VENTE D’UN VÉHICULE ENTRE ABSENTS : L’IMMATRICULATION AU PROFIT DE L’ACHETEUR NE FAIT PAS OBSTACLE A SON DROIT DE RÉTRACTATION
Si le développement, particulièrement via internet, de la diffusion des petites annonces automobiles ne date pas d’hier, certains internautes n’hésitent plus à franchir le pas consistant à effectivement conclure le contrat à distance, sans examen préalable du véhicule qu’ils se proposent d’acquérir. Mais quand à livraison la déception l’emporte finalement sur l’enthousiasme, le Code de la consommation est-il de bon secours ?
Réforme en cours
Chacun sait qu’une réforme d’ampleur du Code de la consommation vient tout juste d’être présentée au Parlement comportant d’importantes innovations (introduction en droit français de l’action de groupe, modification du rôle du juge en matière de clauses abusives puisque sa décision pourra avoir un effet erga omnes, modalités de résiliation des contrats d’assurance notamment) ainsi que des modifications plus discrètes mais comportant néanmoins d’importants enjeux. On notera notamment l’insertion dans un article préliminaire d’une définition plus précise de la notion de consommateur qui « s’étend de toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (transposition de la définition figurant à l’article 2 de la directive 20111/83/UE du 25 octobre 2011 relative au droit des consommateurs) permettant ainsi de clarifier largement le champ d’application du Code de la consommation, ou encore, pour ce qui nous occupe, la prolongation de 7 à 14 jours du droit de rétractation prévu à l’article L.121-21 bénéficiant au consommateur ayant conclu le contrat à distance.
Le droit de rétractation ou de retour, actuellement d’une durée de 7 jours, qui fait partie de l’arsenal juridique à la disposition de l’acheteur déçu depuis une loi n° 88-21 du 6 janvier 1988 sur le télé-achat, est organisé à l’article L.121-20 du Code de la consommation.
Il doit s’agir d’un contrat entre absents
Rapelons avant tout que l’article L.121-16 du Code de la consommation fixe le domaine du droit de rétractation : il doit s’agir d’un contrat conclu en l’absence de présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance.
Un droit discrétionnaire
Parce qu’il n’a pu se forger une opinion sur l’objet que sur la foi de représentations ou de descriptions qui peuvent se révéler plus ou moins fidèles, en matière de contrats conclus à distance, le consommateur dispose en effet d’un délai de 7 jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour. Le délai court à compter de la réception pour les biens ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services.
Lorsque les informations prévues à l’article L.121-19 n’ont pas été fournies (elles sont très nombreuses, notamment sur les caractéristiques essentielles du bien, sur les conditions et les modalités de l’exercice du droit de rétractation, sur le service après vente et les garanties etc.), le délai d’exercice du droit de rétractation est porté à trois mois. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient dans les trois mois à compter de la réception des biens ou de l’acceptation de l’offre, elle fait courir le délai de rétractation de 7 jours. Enfin, lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. En cas d’exercice de ce droit, le professionnel vendeur est tenu de rembourser l’acheteur dans les 30 jours, délai au delà duquel la somme est productive d’intérêts au taux légal (article L.121-20-1). Le refus pur et simple de remboursement d’un produit retourné dans le délai expose quant à lui le vendeur aux peines prévues pour les contraventions de 5ème classe.
Biens et services exclus
Certains biens ou services sont expressément exclus du domaine du droit de rétractation (en application de l’article L.121-20-4, les biens de consommation courante fournis au lieu d’habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes, ou encore les prestations d’hébergement, de transport, de restauration ou de loisirs fournis à une date ou une périodicité déterminée) ou le sont sauf si les parties en sont autrement convenues (an application de l’article L.121-20-2, les services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant l’expiration du délai de 7 jours, les biens ou services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, les enregistrements audio ou video et logiciels lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur, les journaux, périodiques ou magazines ainsi que les paris ou loteries autorisés ou encore les biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés).
C’est sur le fondement de cette dernière exception que la venderesse, dans l’espèce commentée, entendait voir dénier toute possibilité aux acheteurs de se rétracter, arguant de ce que l’immatriculation du véhicule en avait fait un objet personnalisé.
L’achat à distance de deux motos
Les faits sont parfaitement simples : sans que l’on sache si la vente s’est nouée via internet ou un autre support de petites annonces, un couple achète à distance à un professionnel, double condition à l’existence d’un droit de rétractation, deux motos dont on peut présumer qu’elles étaient vraisemblablement d’occasion compte tenu du prix réglé, 2.716 euros au total. Cinq jours après en avoir pris livraison, les acheteurs exercent leur droit de rétraction puis, faute de remboursement du prix, assignent la venderesse à cette fin devant le Juge de proximité. Le Juge fait droit à la demande en repoussant l’argument de cette dernière ayant excipé de l’une des exceptions prévues dans la loi à l’application du droit de rétractation qui l’exclut « pour la fourniture de biens nettement personnalisés », considérant que l’immatriculation au nom de l’acheteur ne constituait qu’une simple formalité administrative ne modifiant pas la nature ou la destination des véhicules.
Cette appréciation est pleinement validée par la Cour de cassation dans cette décision qui constitue une très rare illustration jurisprudentielle de cette exception au droit de rétractation. Le fondement de l’exception réside dans le fait qu’il ne serait pas légitime que l’acheteur qui pose des exigences spécifiques de personnalisation de l’objet commandé le faisant échapper à la standardisation ne puisse ensuite se dédire, sauf à éventuellement exposer le vendeur, en cas de retour, à des difficultés pour retrouver un nouvel acheteur partageant les mêmes goûts ou recherchant un objet ayant des caractéristiques identiques.
Priorité à la protection de l’acheteur
Il est important de souligner que la solution ainsi adoptée par la première chambre de la Cour de cassation est très protectrice des intérêts de l’acheteur, notamment s’il s’agit d’un véhicule neuf. Le principe posé suit la logique du raisonnement de la chambre commerciale considérant que l’immatriculation d’un véhicule neuf ne modifie pas sa nature en en faisant un véhicule d’occasion, considérant que « la seule immatriculation d’un véhicule ne suffit pas à lui conférer la qualité de véhicule d’occasion » (imposant en effet de rechercher si les véhicules avaient déjà été conduits sur route, Cass. com, 15 mars 2011, n° 10-11854).
Il est à noter cependant que cette analyse n’est pas partagée par la Chambre criminelle qui considère quant à elle, en matière de délit de tromperie, qu’un véhicule immatriculé n’est plus neuf (Cass. crim., 10 janvier 1995, Jurisp. auto. 1995 p. 249 – Cass. crim., 24 janvier 1996, Jurisp. auto. 1996 p.297, Cass.crim., 7 avril 1999, n° 97-84142).
Le vendeur à distance d’un véhicule soucieux de protéger ses intérêts aura ainsi grand avantage, s’il est convenu qu’il se chargera des formalités d’immatriculation, à attendre que le délai de rétractation de l’acheteur ait couru avant d’y procéder.
Cour de cassation – chambre civile 1 – Audience publique du mercredi 20 mars 2013
N° de pourvoi: 12-15052
Publié au bulletin
Rejet
M. Charruault, président
SCP Ghestin, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Chambéry, 29 novembre 2011), que M. X…et Mme Y…ont, le 28 mai 2010, acquis à distance deux motocyclettes auprès de Mme Z…ayant la qualité de commerçante ; qu’après avoir pris livraison des véhicules le 2 juin 2010, ils ont exercé leur droit de rétractation le 7 juin suivant ; qu’ils ont fait assigner Mme Z…aux fins notamment d’obtenir paiement d’une somme correspondant au prix de vente non restitué ;
Attendu que Mme Z…fait grief au jugement d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le droit de rétractation ne peut pas être exercé pour la fourniture de biens nettement personnalisés tel un véhicule à moteur ayant fait l’objet au moment de la vente d’une immatriculation administrative au nom de l’acquéreur, le certificat d’immatriculation constituant un accessoire indispensable de la chose vendue ; qu’en affirmant néanmoins que les motos vendues par Mme Z…avec leur certificats d’immatriculation au nom des acquéreurs ne constituaient pas des biens personnalisés exclus du droit de rétractation motif pris de ce que l’immatriculation ne serait qu’une simple formalité administrative ne modifiant pas la nature ou la destination des véhicules, le juge de proximité a violé l’article L. 121-20-2 du code de la consommation ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les motocyclettes vendues aux termes d’un contrat conclu à distance avaient uniquement fait l’objet d’une immatriculation qui n’avait pu modifier leur nature ou leur destination, la juridiction de proximité en a exactement déduit que les biens vendus n’étaient pas nettement personnalisés, de sorte que l’exclusion du droit de rétractation prévue par l’article L. 121-20-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée aux acquéreurs ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z…aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Z…et la condamne à payer à M. X…et à Mme Y…la somme globale de 2 000 euros
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.
La première chambre de la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 octobre 2012, vient de rappeler les effets assez radicaux de la possession qui ne cèdent pas sur la seule preuve du paiement du prix par le revendiquant.
Les concubins qui souhaitent éviter, dans l’éventualité d’une rupture, d’âpres et douloureuses discussions quant au sort des biens acquis pendant leur relation, ont indiscutablement intérêt à la conclusion d’un pacte civil de solidarité ou « pacs » dont le statut et notamment l’article 515-5 du Code civil prévoit des règles claires et simples en la matière. En effet, et sauf disposition contraire de leur convention ou exceptions prévues à l’article 515-5-2 dudit code, chacun des partenaires conserve d’abord l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Ensuite, chacun peut prouver, par tous moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié. Mais lorsque ces principes ne peuvent s’appliquer faute de pacs, les tribunaux, saisis d’une difficulté quant au sort d’un bien mobilier à la suite de la rupture du concubinage, appliquent le droit commun des obligations et tour à tour, les règles de la société de fait, celles de l’enrichissement sans cause, de l’indivision et, comme en l’espèce, les principes de la possession.
La Peugeot de la discorde
Pendant le cours de leur concubinage, un véhicule a été acquis au moyen d’un chèque de banque émis par le débit du compte d’épargne de Madame puis le véhicule est ensuite conservé par Monsieur lors de leur rupture, précision faite que la carte grise avait été établie à leurs deux noms, selon la faculté offerte par l’article 2.V de l’arrêté du 9 février 2009 (JO 29 mars 2009) relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules (antérieurement, article 2.II de l’arrêté du 4 novembre 1984 relatif à l’immatriculation des véhicules).
Ayant assigné son ancien concubin en remboursement du prix et subsidiairement en restitution sous astreinte du véhicule, il devait être fait droit à la demande principale par la Cour d’appel, aux motifs que le prix avait été payé avec des fonds personnels au moyen d’un chèque de banque débité du compte de Madame le jour même de l’achat, en faisant du véhicule un bien personnel de celle-ci alors que Monsieur ne contestait ni le prix, ni la date d’achat tout en s’abstenant de produire tout élément de preuve relatif au financement ou encore au fait que l’achat par elle aurait constitué une participation aux frais de la vie commune, rendant ainsi la possession de Monsieur irrégulière, la présence des deux noms sur la carte grise ne pouvant suffire à établir la preuve d’une indivision.
L’arrêt est cependant censuré par la Cour de cassation sur un double fondement mais principalement au visa de l’article 2279 du Code civil, rappelant que la présomption qui résulte de la possession implique qu’il appartient au « demandeur en revendication de prouver le titre précaire en vertu duquel le prétendu possesseur détient un meuble ou le vice affectant sa possession », preuve que ne « suffit pas à caractériser le paiement du prix par le revendiquant ». Et faute des preuves spécifiques exigées, la Cour précise que le défendeur à revendication a alors « titre pour le conserver », considérant que les Juges d’appel avaient ainsi en l’espèce inversé la charge de la preuve.
Possession versus propriété
Parce que le commerce, au sens large, des biens meubles est pour l’essentiel dépourvu de support de preuve écrite ou de formalités de publicité destinées à en assurer l’opposabilité aux tiers, le droit a joué de réalisme en protégeant le possesseur, quitte à évincer purement et simplement le propriétaire.
Quel juriste n’a pas en effet en mémoire ce principe central du droit des biens selon lequel « en fait de meuble, la possession vaut titre », la plupart se souvenant d’ailleurs qu’il est (était) posé à l’article 2279 du Code civil ? Le lecteur le plus éclairé sait qu’à l’occasion de réforme de la prescription par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, bien que le droit soit resté constant sur le sujet, le législateur a jugé opportun de modifier la numérotation et la règle est aujourd’hui reprise à l’article 2276 du Code civil.
Le texte institue une présomption simple dont le principe même est d’opérer un renversement de la charge de preuve au profit du possesseur « non équivoque », c’est-à-dire celui qui possède « à titre de propriétaire » (Cass. civ. 2ème, 5 avril 1960, Bull. civ. II, n°252) et non pas à titre précaire, comme simple détenteur ou en application d’un autre lien de droit tel un dépôt ou un prêt. La possession pourra également résulter d’un don manuel qui pourra être caractérisé par la remise des clés et des documents concernant le véhicule, même lorsque la carte grise reste au nom du donateur, l’immatriculation n’étant qu’une formalité de police dépourvue d’effets civils (T.civ.Seine, 25 février 1948, JCP G 1949,II, 4719).
Charge de la preuve
Le possesseur est donc présumé de bonne foi et c’est à celui qui la conteste d’établir la mauvaise foi du possesseur ou le caractère précaire de sa possession, question qui relève du pouvoir souverain du juge du fond (Cass., 1ère civ., 23 mars 1965, Bull.Civ. I, n° 206 ??? Cass., 1ère civ., 21 février 2006, n° 04-19.667).
La solution confirmée par la Cour de cassation dans l’espèce commentée, fixant à la charge du revendiquant la preuve de l’irrégularité de la possession comme étant viciée ou encore de son caractère précaire, n’est pas nouvelle (Cass., 1ère civ., 3 décembre 2002, n° 00-22.686) et résulte du principe même de la présomption instituée par l’article 2276 du Code civil, principe fréquemment rappelé par les Juges du fond (Paris, 3 octobre 1990, GP 1991.1.113, CA Aix en provence, 1ère ch., 14 mars 2006, JurisData n° 2006-299073, CA Lyon, 1ère ch., 15 février 2001, JurisData n° 2001-144223).
La possession joue ainsi un véritable rôle acquisitif de propriété, de telle manière qu’un revendiquant ne peut être admis, comme dans l’espèce commentée, à tenter de prouver son droit de propriété à l’encontre du possesseur de bonne foi (req.21 novembre 1927, DP 1928.1.172). Il doit prouver le caractère précaire ou équivoque de la possession, ce qui constituent des preuves distinctes et nécessaires. Si le revendiquant se trompe de preuve, il succombe.
Il est en l’espèce précisé que le paiement du prix de la chose par le revendiquant ne suffit pas à caractériser le caractère précaire ou un vice affectant la possession, ce qui constitue donc un apport notable de la décision.
Caractère équivoque ou non
Les Juges du fond considèrent que la possession d’un véhicule automobile peut être équivoque lorsqu’il a été acquis pour l’utilité commune des concubins (CA Toulouse, 1èrech., 16 janvier 1990, JurisData n° 1990-050815) ou encore en tenant compte des conditions conflictuelles de la rupture (CA Caen, 1ère chambre, 27 novembre 2007, JurisData n° 2003-250261) mais considèrent également que le simple fait de concubinage est insuffisant à créer une présomption d’indivision (CA Bordeaux, 6 ème ch., 29 octobre 1997, JurisData n° 1997-047892), de même que la seule cohabitation est inapte à rendre la possession équivoque (CA Lyon, 1ère ch., 15 février 2001, JurisData n° 2001-144223, CA Riom, 2ème ch., 24 septembre 2002, JurisData n° 2002-191248).
N’est pas davantage équivoque la possession par une ex-concubine d’un véhicule dont la carte grise est établie à son seul nom, bien que financé par son ancien compagnon, et sur lequel elle a fait des frais importants après la séparation malgré ses revenus modestes (CA Rennes, 6ème ch., 24 janvier 2000, JurisData n° 2000-115656).
Le caractère équivoque de la possession a en revanche été jugé comme pouvant résulter d’un financement par la reprise d’un véhicule appartenant au revendiquant accompagné d’un versement en numéraire, une carte grise portant les deux noms et celui du revendiquant dans le contrat d’assurance comme conducteur principal (CA Aix en provence, 1ère ch., 14 mars 2006, JurisData n° 2006-299073).
Soulignons en l’espèce que les mentions du certificat d’immatriculation, établi au nom des deux concubins, n’a pas davantage que le paiement du prix été jugé par la Cour comme source suffisante d’équivoque, ce qui constitue un principe corollaire de celui fixé de longue date selon lequel la carte grise n’est pas un titre de propriété (Cass.1ère civ., 25 février 1958, Bull., civ.I n°114).
Ceci dit, nature et charge de la preuve laissent entière la question des modes de preuve entre concubins, relevant pour l’essentiel du droit commun de la preuve qui doit être écrite si l’enjeu dépasse 1.500 Euros (article 1341 du Code civil), sauf commencement de preuve lorsque il existe notamment une impossibilité morale de se procurer un écrit (article 1348 du Code civil), exception souvent invoquée entre concubins mais pour l’application de laquelle la Cour de cassation considère que la seule vie en commun est insuffisante à la justifier (Cass.1ère civ., 8 juin 2004, n° 02-10.492).
Droit commun
Rappelons enfin que si les principes de la possession bénéficient au concubinage, ils ne lui sont évidemment pas réservés et leur application aux transactions « de droit commun » est également fréquente. La bonne foi du possesseur sera alors également présumée, celle-ci s’entendant comme « la croyance pleine et entière » où il s’est trouvé, « au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis » (Cass., 1ère civ., 23 mars 1965, Bull.Civ. I, n° 206). Il a ainsi été jugé comme équivoque la possession d’un véhicule sans se faire remettre la carte grise, ni vérifier que le vendeur détient ce document (Civ.1ère, 30 octobre 2008, Bull.civ. I, n° 242), exception faite dans les transactions entre professionnels où la remise concommitante n’est pas d’usage (Cass. com., 24 avril 2007, Bull.civ. IV, n° 115).
Concubins, à bon possesseur, salut.
LA GRAVITE CACHÉE DU VICE APPARENT
La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de contribuer à la jurisprudence sur la portée du procès-verbal de contrôle technique quant à l’information de l’acheteur et ses conséquences sur son recours en garantie des vices cachés.
Caractère occulte du vice
Rappelons tout d’abord, qu’outre son antériorité à la vente et sa gravité, la troisième et dernière condition du recours en garantie légale de l’article 1641 du Code civil réside dans le fait que le défaut critiqué ne doit pas être considéré comme ayant été apparent lors de la vente. L’article 1642 du Code civil dispose en effet que “le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même”. Quels sont-ils ?
Vices révélés par l’examen ou l’essai.
Constituent ainsi des vices apparents, tous ceux qui ont été révélés par l’essai routier du véhicule ou l’examen de l’extérieur, sans autre investigation particulière ou démontage. Mais le vice apparent n’est pas uniquement celui qui est ostensible et que révèle un examen superficiel, mais aussi celui qu’un homme de diligence moyenne aurait découvert, en procédant à des vérifications élémentaires. L’acheteur est donc tenu à un examen aussi méticuleux que ses connaissances le lui permettent. En outre, on comprend aisément qu’en matière de véhicules d’occasion, l’acheteur soit juridiquement tenu à une vigilance plus étendue que s’il achetait un véhicule neuf. S’il ne procède pas aux vérifications élémentaires, au moins celles qui sont à la portée de tout automobiliste, il sera présumé avoir accepté par avance l’éventualité de vices cachés et toute action en garantie lui sera alors refusée). Précisons encore que la multiplicité des vices apparents peut même parfois priver l’acheteur d’un recours qui serait fondé sur un vice supplémentaire qui, à la différence des précédents, serait caché car il existe en effet une forte présomption qu’un véhicule comportant de nombreux défauts apparents en comporte également d’autres qui le sont moins, même pour un acheteur profane normalement avisé. En revanche, ne peuvent être considérés comme apparents des vices alors que seule une expertise a permis d’en constater l’existence, l’étendue et la gravité. Mais qu’en est-il du procès-verbal de contrôle technique ?
Vices révélés par le rapport de contrôle technique
On rappellera qu’en application conjuguée des dispositions de l’article 5bis du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978, de l’article R.323-22 du Code de la route et de l’article 3 de l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules légers, tout vendeur d’une voiture particulière ou d’une camionnette de plus de 4 ans est tenu de remettre à l’acheteur (sauf si ce dernier est un professionnel, en application de l’article 3 al.1 de l’arrêté du 18 juin 1991, dispense qui constitue un corrolaire de la présomption de connaissance des vices qui pèse sur l’acheteur professionnel), préalablement à la vente, un procès-verbal de visite technique établi dans un centre agréé et datant de moins de 6 mois. Précisément institué à l’origine comme garantie pour l’acheteur en visant à l’informer sur l’état général du véhicule qu’il se propose d’acquérir, la jurisprudence est assez diverse et contradictoire sur le point de savoir si un défaut noté sur le rapport de contrôle technique fait de ce défaut un défaut apparent dont ce dernier ne sera plus fondé à se plaindre (voir étude Xavier HENRY, “Contrôle technique et garantie des vices cachés : un exemple du rôle des banques de données” – Contrats-Concurrence-Consommation, Décembre 1992 p.1 à 4). Certaines décisions du fond jugeant que non, notamment lorsque les magistrats estiment qu’à la lecture des indications du rapport de contrôle, l’acheteur a pu se méprendre sur la nature ou la gravité du vice ainsi que sur ses conséquences potentielles sur le fonctionnement du véhicule. D’autres décisions considèrant au contraire que les défauts qui sont révélés par l’examen du contrôle technique du véhicule constituent des vices apparents, solution validée par la Cour de cassation en considérant « que le rapport établi à la suite d’un tel contrôle peut révéler, par des énonciations claires et compréhensibles pour tout acquéreur, l’existence de vices rendus de la sorte apparents », jurisprudence confirmée depuis. La Cour de cassation semble cependant, assez logiquement, vouloir faire du sujet une question relevant de l’appréciation souveraine du juge du fond. L’arrêt commenté, émanant cette fois de la chambre commerciale s’inscrit dans ce courant de principe, en adoptant une nuance : une mention sur le procès-verbal de contrôle est bien susceptible de révéler le défaut considéré à l’acheteur mais à condition que sa gravité ne demeure pas cachée. Mais quelle peut bien alors être cette gravité cachée du défaut apparent ?
Faute du contrôleur technique et intelligibilité réglementaire insuffisante
Sur le plan des données de fait, l’espèce est très classique : l’acquisition d’un véhicule d’occasion à usage de « camion magasin », âgé d’une quinzaine d’années, pour le prix de 15.000 euros, sur la foi d’un procès-verbal de contrôle technique exécuté quatre jours plus tôt, stigmatisant 16 défauts distincts dont un soumis à contre-visite (exécutée avant la vente). Le véhicule a ensuite révélé, dans les deux mois suivants, des bruits anormaux en provenance de son train avant et une tenue de route aléatoire, son acquéreur l’ayant en conséquence soumis à l’examen d’un expert qui l’a considéré comme dangereux en raison de l’état d’oxydation avancée de la structure au niveau du soubassement. Cette oxydation étant cependant mentionnée sur le procès-verbal de contrôle technique, les débats se focaliseront sur la portée de l’état de corrosion perforante des soubassements et une mauvaise fixation bilatérale du ressort barre de torsion signalés par le contrôle au regard des défauts de fixation des trains roulants sur la structure du véhicule constatée par l’expert. Le contrôleur technique avait-il normalement exécuté son travail et l’acheteur avait-il été normalement renseigné sur l’état du véhicule pour justifier sa demande en résolution de la vente pour vices cachés ? La Cour d’appel répondra par l’affirmative. Ce qui est intéressant, c’est que la chambre commerciale valide le raisonnement des juges d’appel pour considérer que le défaut bien qu’apparent comme mentionné au procès-verbal de contrôle aurait pu néanmoins laisser subsister le recours en garantie de l’acheteur à condition que sa gravité soit demeurée cachée, ce qui n’était cependant pas le cas en l’espèce.
L’une des planches de salut pour l’acheteur réside donc dans l’éventuelle faute du contrôleur sur le classement du défaut, notamment lorsque celui-ci peut ou non, en fonction de sa gravité, être soumis à une obligation de contre-visite. Cette erreur d’appréciation, contaminant celle de l’acheteur sur l’état réel du véhicule, peut ainsi permettre à ce dernier d’échapper à la rigueur de l’article 1642 du Code civil en conservant ainsi son recours en garantie. Autre hypothèse à considérer : celle des défauts insusceptibles de justifier une contre-visite mais dont l’ampleur serait fautivement minorée (un jeu mineur se révélant être un réalité un jeu important susceptible d’être dangereux ou une déformation importante d’un organe alors que notée comme mineure).
A condition bien entendu que le défaut considéré satisfasse par ailleurs à la condition de gravité du recours en garantie, il semblerait alors en effet injustifié, comme le souligne la Cour de cassation, de considérer qu’il est néanmoins devenu apparent alors même que sa gravité est demeurée occulte à l’examen du procès-verbal de contrôle.
Précisons encore que si l’article 6 de l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes précise que le procès-verbal dressé à l’issue du contrôle « décrit les défauts constatés », il n’est pas directement présumé par les textes qu’un le profane est en mesure d’en apprécier la portée. Il faut toutefois noter qu’une appréciation de la gravité procède, pour les défauts qui en déclenche la nécessité, de l’obligation de faire réparer puis de soumettre le véhicule, dans un délai de deux mois, à une nouvelle visite ne portant que sur ces points particuliers, appelée contre-visite (article 7 de l’arrêté). L’obligation de contre-visite ne semble cependant pouvoir être le critère unique en la matière dans la mesure où il existe de nombreux exemples de défauts non soumis à une obligation de contre-visite mais néanmoins susceptibles de présenter un danger ou un coût de remise en état important, comme par exemple :
– 2.2.5 : frottement anormal d’une biellette ou de la timonerie de direction, ce qui peut être un stigmate d’un accident mal réparé,
– 5.2.1.2.1 : mauvaise fixation des ressorts de suspension ou de la barre de torsion,
– 5.2.4.1.3 : corrosion importante du demi-train avant, y compris de ses ancrages,
– 5.2.4.2.1 : mauvaise fixation des rotules de train avant,
– 5.2.5.1.4 : corrosion importante du demi train arrière,
– 5.2.7.1.1 : mauvais état du circuit de suspension,
– 5.2.8.2.1 : mauvaise fixation d’un essieu rigide,
L’essentiel des difficultés se concentrant sans doute sur l’état de l’infrastructure et des soubassements (chapitre 6 des points de contrôle), un très grand nombre de défauts, dont certains sont indiscutablement graves, n’étant pas soumis à une obligation de contre-visite. En voici quelques exemples :
– 6.1.1.1.2 : corrosion perforante et/ou fissure/cassure d’un longeron,
– 6.1.2.1.3 : corrosion perforante et/ou fissure/cassure d’une traverse,
– 6.1.3.1.2 : corrosion perforante et/ou fissure/cassure du plancher,
– 6.1.4.1.4 : déformation importante du berceau.
Encore faut-il souligner que les contrôles s’effectuent sans démontage et que le lexique du contrôle technique, qui s’impose au contrôleur auquel il est interdit d’adjoindre d’autres mentions sur son procès-verbal de contrôle, n’autorise pas en l’état des textes certaines distinctions qui seraient utiles pour apprécier l’importance du défaut considéré. Ainsi, s’agissant par exemple des fuites d’huile du moteur ou de la boîte de vitesse, qui peuvent techniquement s’échelonner d’un simple suintement à une fuite importante susceptible d’aboutir très rapidement à la défaillance irrémédiable de l’organe, le contrôleur notera uniquement « défaut d’étanchéité » (8.1.1.2.1 pour le moteur, 8.1.2.2.1 pour la boîte) sans permettre d’en connaître l’ampleur et sans que celle-ci ne soit d’ailleurs soumise à une obligation de contre-visite. Nombreux sont les défauts qui peuvent présenter des signes apparents (fuites, jeux anormaux, fissures externes, bruits etc.) mais dont la cause technique et la gravité, quelle soit économique en raison du coût de la remise en état ou relevant de la sécurité d’utilisation du véhicule, ne peut être mise en évidence qu’après démontage. Présumer que l’acheteur serait ainsi nécessairement renseigné par les mentions du procès-verbal sur la gravité des vices affectant ces organes serait exagérément sévère, à moins de considérer que l’acheteur devrait alors être considéré comme ayant été suffisamment alerté, à charge pour lui de requérir l’avis d’un homme de l’art avant de décider d’acheter, sauf à prendre un risque qu’il devra ensuite assumer seul.
En la matière, la complexité mécanique, conjuguée à l’absence d’intelligibilité immédiate pour le profane de toutes les implications d’un lexique dont certains termes sont très techniques, semble gouverner de réserver au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de vérifier au cas par cas, en tenant compte notamment du profil de l’acquéreur, si l’information qui lui est donnée par l’examen du procès-verbal de contrôle technique, suffit ou non à faire des défauts signalés et de leurs conséquences immédiates ou futures sur le fonctionnement du véhicule, des vices apparents au sens de l’article 1642 du Code civil.
– ne jamais régler en espèces sans exiger un reçu en contrepartie, ceci pour conserver une preuve du montant du prix réglé en cas de litige ultérieur,
– ne jamais remettre un chèque libellé à l’ordre de quelqu’un d’autre que le titulaire de la carte grise, quelles que soient les explications données par le « vendeur » (c’est mon beau-frère ou un ami qui est parti à l’étranger et qui m’a chargé de vendre son véhicule etc.),
– éviter d’envoyer le moindre paiement, quel qu’en soit la nature (acompte sur le prix, arrhes, frais divers etc.) avant d’avoir pu rencontrer le vendeur et examiner le véhicule et sa carte grise, l’ensemble des dispositions protectrices du code de la consommation ne pouvant s’appliquer lorsque la transaction intervient entre particuliers,
– vérifier que le procès-verbal de contrôle technique qui vous est présenté a moins de 6 mois mais surtout qu’il correspond bien à une visite initiale et non pas à une contre-visite car les procès-verbaux de contre-visite ne portent que sur le ou les points qui avaient été soumis à contre-visite et ne reprennent pas tous les défauts qui étaient mentionnés sur le procès-verbal initial, lesquels peuvent être très nombreux,
– interroger un concessionnaire de la marque en lui fournissant le numéro de série du véhicule pour qu’il vérifie dans la base de données du constructeur si des interventions n’y sont pas enregistrées à des dates et kilométrages incompatibles avec le kilométrage affiché au compteur du véhicule, ce qui permettrait d’établir que celui-ci a été manipulé,
– toujours vérifier que le numéro de série figurant sur la carte grise (rubrique E) correspond bien à celui qui est frappé sur la carrosserie du véhicule (en général dans le compartiment moteur, se renseigner auprès du constructeur sur sa localisation exacte) et que l’aspect de celui-ci ainsi que son environnement immédiat paraissent normaux (certains voleurs découpent la zone entière du véhicule sur lequel le numéro est prélevé pour la ressouder sur le véhicule volé et maquillé).
Il faut par ailleurs savoir que si l’acheteur acquiert un véhicule en sachant que son origine est frauduleuse, ce qui pourra être déduit par exemple des circonstances de la vente et notamment du caractère dérisoire du prix, il pourra le cas échéant faire l’objet de poursuites pour recel (article 321-1 du Code pénal) et le véhicule sera définitivement confisqué.
Mais le particulier qui achète un véhicule volé et maquillé, même de parfaite bonne foi, pourra également s’en trouver dépossédé, dans un premier temps parce qu’il pourra être saisi par les forces de l’ordre dans le cadre d’une enquête puis éventuellement revendiqué par la compagnie d’assurance qui aura indemnisé le propriétaire victime du vol. Cette revendication n’est cependant possible que dans les 3 ans qui suivent le vol (article 2276 du Code civil). En l’absence de revendication, la restitution n’est pas automatique et devra être demandée soit au Procureur, soit au Juge d’instruction, soit au Tribunal, selon les cas.
Indiscutable serpent de mer du droit de la vente, la subtile distinction entre les obligations de délivrance et de garantie des vices cachés nourrit régulièrement la jurisprudence de la Cour de cassation. Nouvel exemple.
Obligations du vendeur
Outre la garantie d’éviction prévue à l’article 1626 du Code civil, l’article 1603 du Code civil précise que le vendeur “a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend”.Mais cette simplicité du texte masque complètement la complexité et les évolutions sensibles de la jurisprudence sur les domaines respectifs de l’obligation de délivrance et de la garantie des vices cachés. Schématiquement, en cas de panne grave, le fait pour l’acheteur de se plaindre du fait qu’un véhicule n’est pas conforme à ce que le vendeur lui avait promis – de façon implicite, que le véhicule était bien apte à l’usage auquel il est destiné ou encore plus de façon plus explicite, qu’il était en bon état de fonctionnement – ne revient-il à peu près à la même chose que de lui faire grief que le véhicule est affecté de vices cachés ? La jurisprudence a un temps suivi cette logique (Cass. assemblée plénière du 7 février 1986, Bull. Ass. plén. p.2) avec un objectif principal : l’indulgence à l’égard de l’acheteur ayant tardé à agir. Car d’un point de vue pratique, l’application alternative du régime de l’obligation de délivrance offrait la possibilité pour les plaideurs de contourner l’exigence du bref délai d’action imposée en matière de garantie des vices cachés (délai aujourd’hui circonscrit à deux années suivant la découverte du vice dans la rédaction actuelle de l’article 1648 du Code civil issue de l’ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005, JO du 18 février 2005). Un revirement a cependant été opéré par plusieurs arrêts de la 1ère chambre civile du 5 mai 1993 (notamment, voir Bull.I, n°158, à propos de la mauvaise qualité de tuiles, jurisprudence confirmée quelques mois plus tard, Cass.1ère civ., 8 décembre 1993, « JA » 1994 p.96 jugeant, à propos d’une bétaillère fabriquée en dehors des règles de l’art à partir d’un fourgon découpé auquel avait été greffé une caisse de bétaillère qui s’était coupé en deux que « le défaut de conformité de la chose à sa destination normale constitue le vice prévu par le articles 1641 et suivants du Code civil ».
Critères de distinction
La synthèse proposée dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l’année 1994 mérite d’être rappelée : “Le vice présente un aspect pathologique susceptible d’évolution alors que la non conformité est statique et provient du fait patent que la chose n’est pas celle désirée. Le vice est, en outre, la plupart du temps accidentel, alors que la non conformité existe dès l’origine de la chose. Enfin le vice est inhérent à la chose vendue tandis que la non conformité exige d’être appréciée à la lumière du contrat” (Rapport annuel de la Cour de cassation 1994, p.343).
Pour la matière automobile, on peut ainsi tenter de résumer les critères de distinction en deux propositions :
– constitueront des inexécutions de l’obligation de délivrance de droit commun de l’article 1604 du Code civil, toutes les promesses formelles du vendeur qui se révèleront insatisfaites, au titre d’une différence entre les caractéristiques du véhicule commandé avec celles du véhicule livré ou par la manifestation d’une contre-performance, alors que les engagements correspondants seront jugés comme étant entrés dans le champ contractuel. Le défaut de délivrance conforme s’appréciera ainsi de façon très concrète, à travers une distorsion patente entre les engagements du vendeur et caractéristiques réelles du véhicule qui peut être appréciée le plus souvent de manière documentaire.
– en contrepoint, tous les amoindrissements des possibilités d’utilisation ou les mauvais fonctionnements graves se révélant prématurément et que l’on ne pourra confronter qu’à la représentation abstraite de l’utilité que l’acheteur était en droit d’attendre du véhicule relèveront du régime des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. L’appréciation judiciaire sera en la matière beaucoup plus abstraite, par référence à un modèle théorique d’utilisation, la destination normale.
Il reste qu’en dépit d’une tendance à l’éclaircissement, la jurisprudence de la Cour de cassation reste parfois byzantine, sinon contradictoire : la chambre commerciale jugeant par exemple encore récemment qu’un matériel « dont les qualités intrinsèques ne correspondent pas aux spécifications indiquées et qui n’est pas davantage conforme à la destination qui lui était assignée » est affecté d’un vice caché (Cass., com., 6 juillet 2010, pourvoi n° 09-16405) pendant que la première chambre retient que la fourniture d’un matériel « inadapté à la destination convenue » caractérise au contraire un manquement du vendeur à son obligation de délivrance (Cass.1ère civ., 30 septembre 2010, pourvoi n° 09-11552), ce qui paraît être au contraire strictement le domaine de cette action. De même, lorsque qu’il est jugé que l’état technique d’un véhicule non conforme aux indications du procès-verbal de contrôle technique relève de l’inexécution de l’obligation de délivrance (Cass., 1ère civ., 29 janvier 2002, pourvoi n° 99-21728) cela paraît critiquable au regard des critères posés, sauf à réduire à néant le domaine de la garantie légale en matière de vente des véhicules d’occasion. Il est vrai que les difficultés d’analyse proviennent parfois de l’utilisation par la Cour de cassation de formules conjuguant les terminologies propres aux deux actions, notamment lorsqu’il est jugé que « la non-conformité de la chose à sa destination normale constitue un vice caché »(Cass., 3ème civ., 6 mai 1998, pourvoi n° 96-17547 – Cass., 1ère civ., 5 juillet 2005, pourvoi n° 03-12691) ou encore que « le défaut de conformité de la chose vendue à son usage normal constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil »(Cass., 1ère civ., 6 mars 1996, pourvoi n° 94-14184).
On perçoit que se dessine parfois également le principe que lorsqu’une non conformité à l’usage contractuellement convenu se traduit parallèlement par un défaut technique rendant le bien vendu impropre à son usage normal, ce dernier l’emporte et c’est le régime de la garantie légale qui s’applique (pour une maison d’habitation indiquée à l’acte de vente comme étant raccordée au réseau public d’assainissement alors qu’elle était en réalité équipée de fosses, l’installation n’ayant pu être utilisée normalement, Cass., 3èmeciv., 5 juillet 2011, pourvoi n°10-18278, ou encore pour des combles aménagés pour l’habitation dont l’usage s’est révélé impossible en raison de désordres engendrés sur la charpente, Cass.,3ème civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 08-20303).
Il peut aussi se trouver que le vendeur puisse cumulativement se fonder sur les deux actions lorsque le bien est non seulement affecté de vices tout en n’étant pas conforme aux caractéristiques spécifiées lors de la vente (véhicule équipé d’un moteur non d’origine et plus ancien, lequel est par ailleurs tombé en panne, Cass., 1ère civ., 18 février 2009, pourvoi n° 07-20404).
Illustrations
L’orthodoxie retrouvée dans la jurisprudence sur l’obligation de délivrance circonscrit celle-ci à l’obligation pour le vendeur de livrer à l’acheteur un véhicule rigoureusement conforme à ses engagements contractuels, “aux spécifications convenues par les parties” (Cass.1ère civ., 6 mars 1996, arrêt n°510, pourvoi n° 94-14.184, Cass., 1ère civ., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-16732).
Il en a été jugé ainsi pour :
– les défauts d’une chose neuve, la Cour de cassation précisant que la commande d’une chose neuve s’entend d’une chose n’ayant subi aucune dégradation, en l’espèce des traces d’effraction mineures réparées avant la vente,
– un numéro de série maquillé,
– la transformation irrégulière d’un véhicule utilitaire en véhicule de tourisme,
– l’installation irrégulière d’un équipement pour circuler au GPL,
– le poids à vide non conforme d’un camion frigorifique ou celui d’un camping-car,
– un véhicule vendu comportant un moteur d’une puissance différente du moteur d’origine ou même seulement, indépendamment de sa puissance, comme étant non d’origine, plus ancien et au kilométrage inconnu,
– un moteur d’occasion présentant une vétusté incompatible avec le kilométrage (32.000 km) indiqué sur la facture,
– la date de fabrication d’un engin de chantier s’étant révélée erronée,- la couleur,
– les options, comme un embrayage automatique, implicitement, pour la charge utile d’un véhicule utilitaire ou encore un système de climatisation automatique,
– le kilométrage erroné, la jurisprudence paraissant aujourd’hui assez bien fixée pour le considérer comme une inexécution de l’obligation de délivrance, hormis évidemment les hypothèses de fraudes caractérisées permettant de sanctionner par une nullité du contrat pour dol une manipulation dont on a la preuve qu’elle est imputable au vendeur ou qu’il la connaissait.
En revanche, le défaut de conception, rendant la chose vendue impropre à l’usage auquel elle est destinée, constitue quant à lui un vice caché et non un manquement à l’obligation de délivrance. Il en est de même du défaut de fabrication, à l’origine d’un « vice intrinsèque du matériau »ou de son « vieillissement anormal ».
Quid du raclement d’une boite de vitesse ?
Fort de l’ensemble de ces précisions jurisprudentielles, quelle qualification retenir pour un raclement de boite vitesse jugé « agaçant » et « anormal » bien que n’affectant pas l’utilisation du véhicule ?
Le défaut pouvait difficilement être confronté à une promesse contractuelle du vendeur, sauf précisément à considérer, ce qui est aujourd’hui proscrit, que le vendeur d’un véhicule haut de gamme promet implicitement mais nécessairement l’absence de désagrément tel qu’un bruit de fonctionnement de la boite de vitesse.
La Cour de cassation l’a donc logiquement mais théoriquement rangé dans la catégorie des vices cachés, ceci en approuvant la Cour d’appel d’avoir débouté l’acquéreur de sa demande.
Rappelons cependant que dans l’appréciation de la gravité du vice, il sera tenu compte des caractéristiques objectives qui pourront être attendues du véhicule, le niveau d’exigence pouvant notamment dépendre de la catégorie d’entrée de gamme ou au contraire haut de gamme du véhicule dont il s’agira d’apprécier le défaut.
C’est le sens de la jurisprudence qui a par exemple considéré que s’agissant de turbulences d’air dans l’habitacle lors de l’ouverture de la vitre arrière d’un véhicule de gamme moyenne, ce défaut ne constituait pas un vice pouvant justifier une garantie car il ne portait pas suffisamment atteinte au niveau de confort qui pouvait être attendu du véhicule litigieux alors que le défaut d’étanchéité du toit amovible d’un véhicule plus haut de gamme présentant un faible kilométrage (5.395 km) et que plusieurs concessionnaires n’avaient pas été en mesure de résoudre a en revanche été jugé comme constituant un vice rédhibitoire.
Dans l’espèce considérée, s’agissant d’un particulier ayant acheté son véhicule auprès d’un professionnel, il aurait pu imaginer fonder son action sur la garantie légale de conformité prévue à l’article L.211-5 du Code de la consommation car outre la subtile fusion des critères qui y est opérée entre l’obligation de délivrance et celle des vices cachés, elle permet d’exiger que la chose possède « les qualités que le vendeur a présentées à l’acheteur sous forme de modèle ainsi que les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, le constructeur ou son représentant, notamment dans la publicité », ce qui aurait peut-être offert la perspective, s’agissant d’un véhiucle haut de gamme dont les qualités sont fréquemment vantées dans les brochures publicitaires, d’une appréciation plus indulgente de son action.
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 12 mai 201
N° de pourvoi : 10-13739
Rejet
M. Charruault, président
Me Balat, Me Copper-Royer, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que la société BMW groupe financial services a consenti à M. X… un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule neuf de cette marque vendu par la société Pays de Loire automobiles concession BMW ; que ce dernier, se plaignant d’un raclement de la boîte de vitesse, a sollicité la résolution du contrat tant sur le fondement du vice caché que, subsidiairement, sur celui du défaut de conformité ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Rennes, 25 septembre 2009) de le débouter de sa demande subsidiaire alors, selon le moyen, que la mauvaise qualité de la chose vendue constitue un défaut de conformité ; qu’en estimant que les défauts de la boîte de vitesse automatique invoqués par M. X… ne correspondaient pas à une non-conformité mais à un vice caché, tout en constatant, notamment à la lecture du rapport d’expertise judiciaire, que l’objet de la vente était «un véhicule haut de gamme d’une marque qui fonde notamment sa réputation sur le plaisir de conduire» et que la boîte de vitesse du véhicule se trouvait effectivement affectée d’un bruit anormal de « raclement » qui, s’il était sans danger, pouvait « agacer » , ce dont il résultait nécessairement que le défaut litigieux affectait uniquement la qualité du véhicule et non son usage à proprement parler, ce qui caractérisait l’existence d’un défaut de conformité, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1147 et 1604 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que le vice caché résulte d’un défaut de la chose vendue alors que la non conformité résulte de la délivrance d’une chose autre que celle faisant l’objet de la vente, la cour d’appel en retenant que les défauts de la boîte automatique qui affectaient le véhicule commandé ne correspondaient pas à une non-conformité mais étaient susceptibles de s’analyser en un vice, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X…, le condamne à payer la somme de 3.000 euros à la société Pays de Loire automobiles, ainsi qu’une somme d’un même montant à la société BMW France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille onze.
Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes du 25 septembre 2009
Le champ des dommages et intérêts dus par le vendeur professionnel, nécessairement de mauvaise foi aux yeux de la jurisprudence, est très vaste. La Cour de cassation vient une nouvelle fois de le rappeler en matière de crédit-bail.
La totalité des conséquences dommageables
Il est un réflexe naturellement répandu pour celui qui, disposant d’un véhicule dans le cadre d’un contrat de crédit-bail, voudra suspendre le paiement de ses loyers lorsque ce dernier tombera en panne. Rappelons cependant que les contrats n’autorisent pas cette exception d’inexécution, puisque le crédit-bailleur n’est pas débiteur de la garantie légale (ce qui implique généralement une subrogation conventionnelle dans ses droits de propriétaire au profit du locataire stipulée dans les contrats de crédit-bail ou de location financière, ce qui suppose cependant que le crédit-preneur agisse en garantie avant la résiliation du crédit-bail puisque cette résiliation rend la subrogation et le mandat correspondant pour agir caduc. C’est pourtant la stratégie qu’avait décidé d’adopter un entrepreneur dont le fourgon était tombé en panne à la suite d’un vice caché de sa pompe à eau, moins de deux années après sa mise en service. L’ayant alors confié au garage vendeur et celui-ci ayant refusé de prendre en charge la totalité du coût de la remise en état, sans doute pour cause de l’arrivée du terme de la garantie contractuelle du constructeur, alors que cela n’exonérait évidemment pas davantage le vendeur que le constructeur de ses obligations de garantie légale, le client avait, après 10 mois d’immobilisation, interrompu le paiement de ses loyers auprès de l’organisme de financement. Celui-ci en avait donc tiré les conséquences contractuelles en résiliant le contrat et en poursuivant en paiement l’intéressé, lequel a alors attrait à la cause le garage vendeur pour être garanti de toutes les conséquences engendrées. La Cour d’appel a cependant limité ces dernières au montant cumulé des frais de parking et de 3 mois des loyers payés à perte pendant l’immobilisation, laissant ainsi à la charge de l’utilisateur 7 mois de loyers payés sans contrepartie ainsi que les suites de la résiliation du contrat au motif que sa décision « de ne plus payer pour des causes non établies, les échéances du contrat de crédit-bail et les suites de la résiliation qui s’en est suivie ne sont pas imputables au vendeur ». C’est précisément ce qui est censuré par la chambre commerciale, celle-ci considérant qu’il n’y avait pas lieux de limiter l’indemnisation des loyers payés pendant la durée d’immobilisation du véhicule, celle-ci étant la conséquence du refus opposé par le garage vendeur de prendre en charge l’intégralité du coût de la remise en état. La Cour rappelle en effet que la présomption de mauvaise foi mise à la charge du vendeur professionnel « l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages en résultant. »
Le sort du vendeur professionnel
Les dispositions de l’article 1645 du Code civil édictent que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. »
Et comme parallèle au statut particulier réservé à l’acheteur professionnel en matière de vices cachés, le vendeur professionnel se trouve également dans une situation dérogatoire, dispensant l’acheteur, pour être indemnisé de ses préjudices, d’établir qu’il connaissait l’existence du vice litigieux.
En effet, le principe selon lequel le vendeur professionnel est présumé être de mauvaise foi, c’est-à-dire avoir connu les défauts du véhicule vendu, sans possibilité de rapporter la preuve contraire, qu’il ait ou non procédé à un examen approfondi lui ayant permis de découvrir les défauts cachés de l’automobile vendue, a été posé de longue date et se trouve réaffirmé de manière très constante.
L’arrêt commenté le rappelle une nouvelle fois, de façon tout aussi solennelle qu’explicite en précisant qu’il résulte de l’article 1645 du Code civil « une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages en résultant. »
Qui est vendeur professionnel ?
Outre ceux qui font habituellement commerce des véhicules, il est important de rappeler qu’ont notamment été assimilés à des vendeurs professionnels :
– le fabricant,
– un particulier sans compétence particulière en mécanique mais se livrant habituellement au commerce des véhicules d’occasion,
– un ingénieur employé chez un constructeur automobile,
– un chauffeur routier,
– ou encore un démolisseur.
Quels préjudices ?
Ainsi, lorsqu’il sera fait droit à une action en garantie pour vice caché d’un véhicule vendu par un professionnel, celui-ci sera automatiquement tenu, en application de l’article 1645 du Code civil, non seulement de la restitution du prix ou d’une partie de celui-ci, mais également de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. Précisons que l’action en dommages et intérêts peut d’ailleurs être exercée seule.
L’acheteur pourra ainsi prétendre être indemnisé de toutes les conséquences dommageables engendrées, ce que rappelle clairement l’arrêt commenté. Il en a été notamment jugé ainsi pour :
– la perte totale de la chose,
– les intérêts sur la créance de restitution du prix à titre de dommages et intérêts en l’absence de mise en demeure,
– les frais d’emprunt pour le financement,
– les primes d’assurance,
– les échéances de crédit-bail réglées pendant l’immobilisation du véhicule du fait du vice l’affectant (arrêt commenté),
– l’indemnité de résiliation du crédit-bail,
– les frais liés à l’immobilisation du véhicule, gardiennage ou parking,
– la privation de jouissance,
– les frais d’expertise amiable,
– les frais engagés à pure perte sur le véhicule,
– le dépannage et remorquage,
– les frais de retour du conducteur du lieu de l’accident ou de la panne à son domicile,
– la dépréciation du véhicule pendant la durée de son immobilisation,
– ou même les « soucis d’ordre matériel et moral » ou encore des « tracas » occasionnés.
Il est encore important de préciser que les conséquences dommageables visées à l’article 1645 du Code Civil incluent également les éventuels dommages corporels que le véhicule aurait pu causer à son conducteur ou même à des tiers lors d’un accident résultant du vice caché dont il était affecté.
En l’état du droit positif, le vendeur professionnel entendant contester son obligation de garantie légale devra donc disposer de moyens solides pour résister à la réclamation de son client, sauf à s’exposer à ce que le coût de celle-ci soit susceptible de s’alourdir ensuite considérablement.
LA DÉCISION
Cour de Cassation
Chambre Commerciale
Audience publique du mardi 1 février 2011
N° de pourvoi: 10-30037
Non publié au bulletin Cassation partielle
Mme Favre (président), président
SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Tiffreau et Corlay, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Met, sur sa demande, la société Icare assurance hors de cause ;
Sur le moyen unique : Vu l’article 1645 du code civil ; Attendu qu’il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages en résultant ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Sofinco exerçant sous l’enseigne Viaxel (le crédit bailleur) a consenti le 15 avril 2002 à M. X… un contrat de crédit-bail pour financer l’achat auprès de la société Zanetti (le vendeur) d’un fourgon à usage professionnel ; que le véhicule ayant été immobilisé le 5 janvier 2004 suite à un incident affectant son fonctionnement, une expertise amiable contradictoire effectuée en mai 2004 a conclu que les dommages constatés étaient dus à une défectuosité de la pompe à eau ; que M. X… ayant cessé de payer les loyers en novembre 2004, le crédit-bailleur a résilié le contrat de crédit-bail et assigné en paiement M. X… qui a recherché la garantie du vendeur et demandé la réparation de son préjudice ; Attendu que pour limiter la condamnation du vendeur au profit de M. X… à la somme de 4 946, 02 euros, l’arrêt retient que si les frais de parking et les loyers payés durant l’immobilisation du véhicule sont la conséquence du refus du vendeur de prendre en charge la réparation intégrale de celui-ci, en revanche la décision de M. X… de ne plus payer pour des causes non établies, les échéances du contrat de crédit-bail et les suites de la résiliation qui s’en est suivie ne sont pas imputables au vendeur ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le véhicule était immobilisé depuis le 5 janvier 2004 dans les locaux du vendeur en raison d’un vice caché, cependant que M. X… avait continué de régler les loyers du crédit-bail jusqu’au mois de novembre 2004, soit pendant dix mois, et que les loyers réglés sans contrepartie pendant l’immobilisation du véhicule étaient la conséquence du refus du vendeur de prendre en charge l’intégralité de la réparation, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Zanetti automobiles à payer à M. X… la somme de 4 946, 02 euros, l’arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Zanetti automobiles aux dépens ; Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Ancel et Couturier-Heller la somme de 2 500 euros et rejette la demande de la société Icare assurance ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X…
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir limité la condamnation de la société Zanetti Automobiles au profit de M. X… à la somme de 4.946,02 euros ;AUX MOTIFS QUE (…) si les frais de parking et les loyers payés durant l’immobilisation du véhicule sont la conséquence du refus de la société Zanetti Automobiles de prendre en charge la réparation intégrale de celui ci, en revanche la décision de M. X… de ne plus payer, pour des causes non établies, les échéances du contrat et les suites de la résiliation qui s’en est suivie ne sont pas imputables à la société Zanetti Automobiles ; que le préjudice de M. X… est dès lors limité à la somme de (1.263,55 € + 3.682,47 €) = 4.946,02 € ; ALORS QUE la cour d’appel qui constatait que le véhicule était immobilisé depuis le 5 janvier 2004 dans les locaux de la société Zanetti Automobiles en raison d’un vice caché, cependant que M. X… avait continué de régler les loyers du crédit-bail, d’un montant mensuel de 421,18 € jusqu’au mois de novembre 2004, soit pendant 10 mois, et que les loyers réglés sans contrepartie pendant l’immobilisation du véhicule étaient la conséquence du refus de la société Zanetti de prendre en charge sa réparation, ne pouvait refuser de condamner cette société à rembourser à M. X… la totalité des loyers réglés pendant ces 10 mois d’immobilisation, soit 4.211,80 € ; qu’en limitant la condamnation de cette société à la somme de 1.263,55 € au motif inopérant tiré du fait que M. X… avait, postérieurement, cessé les remboursements, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations et a violé les articles 1643 et 1645 du code civil.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 22 janvier 2009
Une idée reçue est largement répandue dans l’esprit du public selon laquelle il existerait toujours, au profit du consommateur, un droit de revenir sur le contrat conclu, un droit de se repentir à l’égard d’un achat un peu précipité que l’on regrette. Or ce droit n’existe pas en toutes circonstances, la Cour de cassation vient de le rappeler.
La protection du consentement du consommateur est étendue, qu’elle intervienne a priori au travers d’obligations d’information de plus en plus nombreuses, ou a posteriori, par l’ensemble des mécanismes juridiques permettant de faire sanctionner un consentement qui sera considéré comme ayant été insuffisamment éclairé. Le droit de rétractation ou de retour, qui fait partie de l’arsenal depuis une loi n°88-21 du 6 janvier 1988 sur le télé-achat, est aujourd’hui organisé à l’article L121-20 du Code de la consommation, dont la rédaction actuelle résulte de la transposition en droit français, par une ordonnance du 23 août 2001 modifiée, de la Directive communautaire n°97-7 du 20 mai 1997 « concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. »
Un droit discrétionnaire
Parce qu’il n’a pu se forger une opinion sur l’objet que sur la foi de représentations ou de descriptions qui peuvent se révéler plus ou moins fidèles, en matière de contrats conclus à distance, le consommateur dispose en effet d’un délai de 7 jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour. Le délai court à compter de la réception pour les biens ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services. Lorsque les informations prévues à l’article L121-19 n’ont pas été fournies (elles sont très nombreuses, notamment sur les caractéristiques essentielles du bien, sur les conditions et les modalités de l’exercice du droit de rétractation, sur le service après vente et les garanties etc.), le délai d’exercice du droit de rétractation est porté à trois mois. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient dans les trois mois à compter de la réception des biens ou de l’acceptation de l’offre, elle fait courir le délai de rétractation de 7 jours. Enfin, lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. En cas d’exercice de ce droit, le professionnel vendeur est tenu de rembourser l’acheteur dans les 30 jours, délai au delà duquel la somme est productive d’intérêts au taux légal (article L121-20-1). Le refus pur et simple de remboursement d’un produit retourné dans le délai expose quant à lui le vendeur aux peines prévues pour les contraventions de 5ème classe.
Biens et services exclus
Certains biens ou services sont expressément exclus du domaine du droit de rétractation (en application de l’article L121-20-4, les biens de consommation courante fournis au lieu d’habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes, ou encore les prestations d’hébergement, de transport, de restauration ou de loisirs fournis à une date ou une périodicité déterminée) ou le sont sauf si les parties en sont autrement convenus (an application de l’article L121-20-2, les services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant l’expiration du délai de 7 jours, les biens ou services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, les biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, les enregistrements audio ou video et logiciels lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur, ou encore les journaux, périodiques ou magazines ainsi que les paris ou loteries autorisés).
La commande d’un véhicule est donc susceptible, sur le principe, d’ouvrir un droit de rétractation au profit du consommateur.
Il doit s’agir d’un contrat entre absents
Bien qu’il ne soit qu’indirectement mais néanmoins indiscutablement fait référence aux contrats intervenant à distance dans le texte de l’article L121-20 du Code de la consommation, puisque sont fixés le sort les frais de retour et le point de départ du délai de rétractation courant à compter de la réception du bien ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de service, il se trouve inclus dans le titre II visant les « pratiques commerciales », à la section 2 portant plus spécifiquement sur les « Ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance ». En outre, le texte figure dans la Sous-section 1 portant « Dispositions relatives aux contrats ne portant pas sur des services financiers » dont le premier article, l’article L121-16, prévoit que « Les dispositions de la présente sous-section s’appliquent à toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance. »
Ce contexte laissant peu de place au doute quant au domaine du droit de rétractation, il n’a pourtant pas découragé l’acheteuse d’un véhicule qui, après s’être rendue dans les locaux d’un concessionnaire et avoir assorti sa commande du versement de la somme de 1.000 Euros à titre d’arrhes, a finalement décidé de se rétracter et de solliciter la restitution de la somme versée. S’étant vu opposer un refus, elle a saisi le Juge de proximité au visa de l’article L121-20 du Code de la consommation qui l’a, à vrai dire très logiquement, débouté de sa demande.
La Cour de cassation, validant la motivation du Juge du fond et reprenant le texte de l’article L121-16 du Code de la consommation, rappelle en effet les conditions de l’ouverture d’un droit de rétractation : il doit s’agir d’un contrat conclu en l’absence de présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance. Cela était donc parfaitement incompatible avec une visite dans les locaux d’un négociant pour passer commande. En revanche, la commande d’un véhicule via internet, notamment s’il est en stock chez le vendeur, pourrait parfaitement ouvrir une possibilité à l’acquéreur de se rétracter sur le fondement de l’article L121-20 du Code de la consommation.
Arrhes et acompte
Dans les rapports entre professionnels et consommateurs, rappelons par ailleurs que l’article L114-1 du Code de la consommation dispose que sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d’avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. S’il s’agit au contraire d’un acompte, le contrat est définitivement formé : c’est par exemple l’hypothèse de l’acquéreur qui remet au vendeur un chèque tiré sur son comptant courant dans l’attente de pouvoir lui substituer un chèque de banque. En principe dans ce cas, ni l’une ni l’autre des parties n’aura alors la faculté de se dédire, de renoncer à la vente. Si le vendeur se montre intransigeant, l’acheteur sera notamment tenu de verser le solde du prix convenu, sans qu’il puisse renoncer au contrat en abandonnant la somme versée.
Il importe de préciser que le “délai de réservation” qui sous-tend les arrhes n’étant pas déterminé par la loi, il convient pour les parties de le fixer d’un commun accord. L’article L131-1 du Code de la consommation prévoit cependant que 3 mois après leur versement, des intérêts au taux légal courent sur les arrhes et les acomptes et que ceux-ci seront déduits du solde à verser au moment de la réalisation ou seront ajoutés aux sommes versées d’avance en cas de restitution.
C’est sur ce second fondement que l’acheteuse motivait son pourvoi, arguant de ce que dans la mesure où le vendeur ayant pris acte de la décision de renoncer à l’achat, il aurait été tenu de restituer les arrhes. Elle plaidait en fait qu’il y aurait eu une résiliation amiable du contrat, sur le principe de laquelle les deux parties seraient tombés d’accord, ce qui semblait constituer une interprétation très extensive de la correspondance du vendeur ayant simplement pris acte de la décision unilatérale de sa cliente de renoncer à la commande. Il en était très logiquement découlé une application stricte mais exacte de l’article L114-1 du Code de la consommation prévoyant, dans de telles circonstances, que les arrhes demeurent acquis au vendeur. Mais en l’absence de toute trace de cette argumentation qui semblait au demeurant assez hardie dans la procédure devant le Juge de proximité, le moyen n’a pu qu’être écarté par la Cour de cassation comme étant non seulement nouveau mais également mélangé de fait et de droit, ce qui le rendait irrecevable en application de l’article 619 du Code de procédure civile.
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 25 novembre 2010
N° de pourvoi: 09-69500
Non publié au bulletin Rejet
M. Charruault (président), président
SCP Monod et Colin, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que Mme X…, qui a acheté aux Établissements Jacquet automobiles un véhicule, a versé au jour de la commande une somme de 1 000 euros à titre d’arrhes ; qu’ayant ensuite décidé de se rétracter, elle a fait assigner les Établissements Jacquet automobiles en restitution de cette somme en application des dispositions de l’article L. 121-20 du code de la consommation ; que le jugement attaqué (juridiction de proximité de Limoges, 13 octobre 2008) a rejeté cette demande ;
Attendu, d’une part, que la juridiction de proximité ayant relevé que Mme X… s’était rendue au garage exploité par les Établissements Jacquet automobiles pour acquérir un véhicule, celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 121-20 du code de la consommation qui ne s’applique qu’à la vente d’un bien ou d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée de parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ; que par ce motif de pur droit retenu après avis donné à l’avocat conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il peut être répondu aux conclusions invoquées ; que, d’autre part, il ne résulte ni du jugement ni des pièces de la procédure que Mme X… ait soutenu que la vente litigieuse avait fait l’objet d’une résiliation amiable ;
D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa seconde branche, est sans fondement pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Monod et Colin, avocat de Mme X… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour Mme X…
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir débouté Mme X… de ses demandes tendant à la condamnation de la société JACQUET AUTOMOBILES à lui restituer la somme de 1.000 ??? avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2008 et à lui verser la somme de 500 ??? à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS QUE selon l’article 1590 du code civil, si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir, celui qui les a données, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double ; que sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de débouter Mme X… de sa demande de restitution des arrhes versées pour un montant de 1.000 ??? ;
ALORS, D’UNE PART, QUE Mme X… faisait valoir, dans sa déclaration de saisine de la juridiction de proximité, qu’elle bénéficiait d’un droit de rétractation en application de l’article L. 121-20 du code de la consommation, qu’elle avait régulièrement exercé, de sorte que la société JACQUET AUTOMOBILES n’était pas fondée à conserver les 1.000 ??? versés lors de la commande du véhicule ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la juridiction de proximité a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D’AUTRE PART et en tout état de cause, QUE l’acquéreur ne perd pas les arrhes lorsque le contrat de vente fait l’objet d’une résolution amiable ; qu’ainsi que Mme X… le faisait valoir, et comme le relève le jugement attaqué, la société JACQUET AUTOMOBILES a, par lettre du 28 février 2008, pris note de l’annulation de la commande de Mme X…, ce dont il résulte qu’elle a spontanément accepté la résolution du contrat ; qu’en refusant néanmoins d’ordonner la restitution des arrhes versées par Mme X…, la juridiction de proximité a violé les article 1184 et 1590 du code civil.
Décision attaquée : Juridiction de proximité de Limoges du 13 octobre 2008
L’organisation, dans le dispositif des décisions de justice, des restitutions consécutives à la résolution judiciaire de la vente d’un véhicule, procède essentiellement d’une construction prétorienne, en l’absence de dispositions légales ou même de théorie générale bien fixée gouvernant la matière. L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 24 juin 2010 en est une nouvelle illustration.
Une Cour d’appel ayant ordonné, comme conséquence de la résolution de la vente d’un véhicule acquis par un particulier auprès d’un garage, la restitution du prix et celle du véhicule, celle-ci s’est révélée matériellement impossible à exécuter en raison de la destruction du véhicule lors d’un accident de la circulation. Le garage vendeur a donc tenté d’en tirer argument pour se soustraire à son obligation de restitution du prix en arguant devant le Juge de l’exécution de ce que l’exécution de l’arrêt aurait ainsi été rendu impossible. Les Juges d’appel ont suivi ce raisonnement en décidant que les restitutions devaient être concomitantes mais il est cependant censuré par la Cour de cassation au motif que cette concomitance n’avait pas été ordonnée dans le dispositif de la décision prononçant la résolution de la vente.
Automaticité des restitutions
Si doctrine et jurisprudence sont unanimes sur les effets de principe de la résolution ou de l’annulation d’un contrat de vente – le retour au statu quo ante par le jeu des restitutions qui en sont la conséquence, le vendeur rendant le prix et l’acheteur la chose, les modalités pratiques de ces restitutions ainsi que leurs implications économiques sont d’un régime très discuté et fluctuant.
Hormis les hypothèses de destruction pure et simple de la chose envisagées à l’article 1647 du Code civil du fait du vice qui l’affectait (dont le vendeur supporte la charge) ou du fait d’un cas fortuit (dont l’acquéreur supporte la charge), force est en effet de constater qu’aucun texte ne traite explicitement de la question, la jurisprudence existante intervenant au visa de l’article 1184 du Code civil qui pose le principe que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des parties ne satisfera point à son engagement ». On conviendra qu’il est dès lors un peu difficile de découvrir dans la loi le moindre principe directeur s’imposant au juge dans l’aménagement des restitutions.
Pas de nécessaire simultanéité
Si la restitution en nature, qui est règle, s’avère impossible, elle devra s’opérer en valeur. Il est en effet de principe que « les restitutions réciproques, conséquences nécessaires de la nullité d’un contrat de vente, peuvent être exécutées en nature ou en valeur ».
Mais lorsque l’impossibilité de restitution en nature n’est révélée qu’au stade de l’exécution, ce qui ne semble pas au demeurant avoir été le cas en l’espèce commentée, le juge n’a pu par définition l’anticiper et en tirer les conséquences.
L’apport de la décision commentée réside dans le principe que lorsque les juges n’ordonnent pas des restitutions concomitantes, celles-ci ne le sont pas nécessairement, de telle manière que le vendeur ne pourra se soustraire à la restitution du prix lorsque l’acquéreur ne sera plus en mesure de restituer le véhicule.
C’est une conséquence de la rigueur des effets attachés au dispositif des décisions de justice. En application de l’article 2 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, « Le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution », l’article 480 du Code de procédure civile édictant quant à lui que « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. »
Rappelons cependant que la chose jugée ne porte en principe que sur ce qui a été précédemment débattu et jugé, de telle manière que si le Juge n’a pas statué sur une demande liée par exemple à une impossibilité de restitution de la chose du fait de sa perte, il ne sera pas interdit au vendeur de saisir le juge du fond de cette question. Mais il n’entre pas dans la compétence du Juge de l’exécution de la trancher et cette circonstance ne saurait suspendre la possibilité pour l’acheteur d’obtenir immédiatement la restitution du prix s’il y a été condamné.
En application de l’article 8 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, le juge de l’exécution ne peut en effet ni modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, ni remettre en cause la validité des droits ou obligations qu’il constate. Ainsi, lorsqu’un arrêt prononce la résolution de la vente et ordonne la restitution du prix sous réserve de la restitution du véhicule sans que la Cour n’ait été saisie d’une demande concernant les frais de gardiennage du véhicule exigés par un tiers, l’acquéreur ne saurait demander au Juge de l’exécution de les mettre à la charge de la société venderesse, bien que cela grève évidemment sa situation en l’obligeant à s’en acquitter pour être en mesure de restituer le véhicule.
Restitution du prix
S’agissant de la restitution du prix, les difficultés sont moins nombreuses, il s’agit du prix nominal qui a été payé, éventuellement assorti des intérêts au taux légal courant soit à compter de la vente, soit de la première mise en demeure.
Rappelons en outre que seul le vendeur est débiteur de la restitution du prix puisqu’il s’agit là d’une conséquence de l’anéantissement rétroactif du contrat . Le vendeur ne saurait par ailleurs être garanti par son propre vendeur de la restitution du prix car du fait de la résolution et de la remise consécutive de la chose, cette restitution ne constitue pas un préjudice indemnisable. Il ne lui est cependant évidemment pas interdit, en réaction à l’action résolutoire dont il fait l’objet, d’exercer une action symétrique à l’égard de son propre vendeur si les conditions en sont réunies, lui permettant ainsi d’obtenir restitution du prix qu’il avait lui même réglé et qui justifiera, tout aussi symétriquement, la restitution du véhicule à ce dernier, lorsqu’il l’aura lui même reçue.
Restitution du véhicule
Mais pour ce qui concerne la chose, en l’espèce un véhicule, les questions soulevées sont plus nombreuses et plus délicates : quid de l’usage qui aura pu être fait du véhicule jusqu’au jour où le vice s’est révélé et de la moins-value engendrée ? Quid des éventuelles dégradations, survenant fortuitement ou par la faute de l’acquéreur ? Où et quand l’acheteur est-il tenu de restituer ? Toutes ces questions ne trouvent pas, en jurisprudence, une solution bien tranchée.
Dégradations ou destruction
Sauf en cas de faute de l’acquéreur qui serait à l’origine de l’endommagement ou éventuellement de l’aggravation de celui-ci, en application de l’article 1647 du Code civil selon lequel la perte de la chose du fait de sa mauvaise qualité incombe au vendeur, l’acquéreur d’un véhicule affecté d’un vice ne saurait être condamné à le restituer « en état de marche ».
De même, en raison de l’effet rétroactif de la résolution, le propriétaire doit supporter les risques de détérioration fortuite de la chose.
Indemnisation du vendeur pour la dépréciation du fait de l’usage
En matière de garantie légale, la première chambre civile a d’abord posé le principe que la résolution prononcée au profit de l’acheteur n’expose pas ce dernier à devoir au vendeur une indemnité pour l’utilisation du véhicule avant semble-t-il de juger le contraire, tout en excluant une indemnisation liée à la seule vétusté puis de revenir à sa première jurisprudence en excluant y compris toute indemnisation pour l’usure liée à l’utilisation du véhicule, même très importante . Lorsque la dépréciation résulte en revanche d’une faute de l’acquéreur, notamment en raison d’un défaut de gardiennage, le vendeur pourra en être indemnisé. Mais afin que la question soit parfaitement byzantine, en matière d’inexécution de l’obligation de délivrance, la première chambre a symétriquement décidé que l’effet rétroactif de la résolution d’une vente oblige l’acquéreur à indemniser le vendeur de la dépréciation subie par le véhicule à raison de l’utilisation qu’il en a faite.
Lieu
En l’absence de principe bien fixé sur le sujet, la seule logique prescrivant qu’un contrat doive se dénouer la où il s’était noué, l’acheteur sera en principe tenu de restituer le véhicule à l’endroit où il en avait pris livraison, sauf décision différente du juge prononçant la résolution.
Ainsi, à l’heure d’internet où beaucoup d’acheteurs n’hésitent pas à traverser la France pour prendre livraison du véhicule qui avait été proposé dans une petite annonce, il est hautement préférable de demander au Juge de déterminer dans sa décision prononçant la résolution de la vente non seulement le lieu (domicile du vendeur ou celui de l’acquéreur) mais également celui du vendeur ou de l’acheteur qui aura la charge du coût éventuel de la restitution du véhicule (frais de transport). A défaut, des difficultés d’exécution sont toujours à craindre, obligeant à se tourner à nouveau vers le Juge, ce qui aurait pu aisément être évité.
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 24 juin 2010
N° de pourvoi: 09-15710
Publié au bulletin Cassation
M. Loriferne , président
M. Alt, conseiller rapporteur
M. Mucchielli, avocat général
Me Spinosi, SCP Boutet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et 480 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un arrêt du 8 juin 2006 a prononcé la résolution de la vente d’un véhicule intervenue entre la société La Seyne automobiles (la société) et M. X… et condamné la société à restituer à ce dernier la somme de 13 506 euros représentant le prix de vente ; qu’agissant sur le fondement de cet arrêt, M. X… a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à la société qui en a demandé l’annulation à un juge de l’exécution ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que le prononcé de la résolution de la vente et la condamnation de la société à restituer le prix de vente s’entendent bien de la restitution concomitante du véhicule par M. X… et que celui-ci étant dans l’impossibilité matérielle de procéder à cette restitution, l’arrêt du 8 juin 2006 ne peut être exécuté ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’arrêt du 8 juin 2006 n’a pas ordonné, dans son dispositif, la restitution concomitante du véhicule, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 avril 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Renault aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des sociétés Renault et La Seyne automobiles ; condamne la société Renault à payer à M. X… la somme de 2 392 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille dix.
Les transactions portant sur les véhicules automobiles vendus par des professionnels à des particuliers, malgré le formalisme qu’implique l’immatriculation, n’échappent pas à la rigueur de la prescription biennale. C’est l’apport d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 février 2010.
Le contexte
Une société propriétaire d’un véhicule LANCIA d’occasion le confie à une autre en dépôt-vente, tout en conservant le certificat d’immatriculation. Après avoir mis en demeure cette dernière de payer et faute d’obtenir restitution du véhicule ou le versement de son prix, la société déposante, se considérant victime d’un abus de confiance, régularise donc une plainte de ce chef. Lors de son audition, le gérant de la société dépositaire, justifie alors n’avoir pas déféré à la mise en demeure par le fait que, se considérant créancier de commissions impayées, il avait opéré compensation en conservant le véhicule sans en reversé le prix, prétendant qu’il en était devenu propriétaire. Après ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société dépositaire, le véhicule s’est finalement retrouvé entre les mains d’un tiers à l’encontre duquel la société déposante s’est tournée en le poursuivant en paiement du prix. Déboutée par les premiers juges, la Cour d’appel a fait droit à cette demande en condamnant le détenteur au paiement. L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, en application des principes de la courte prescription résultant de l’article 2272 al.4 du Code civil.
La prescription biennale
L’article 2272 al. 4 du Code civil, édictant que « l’action des marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non marchands, se prescrit par deux ans » n’a pas échappé à la réforme profonde du droit de la prescription résultant de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008. Le principe de cette courte prescription a cependant été maintenu, constituant aujourd’hui l’article L.137-2 du Code de la consommation qui dispose « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Les précisions apportées par la jurisprudence sous l’égide du texte précédent devraient donc logiquement être transposées au visa du texte nouveau.
Rappelons que cette prescription est dérogatoire aux dispositions de droit commun de l’article L.110-4 I. du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, dont il résulte que « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. »
Fondements de la courte prescription
Il est de principe que la courte prescription de l’article 2272 du Code civil est fondée sur une présomption de paiement et ne concerne que les dettes que l’on n’a pas coutume de constater par un titre (Cass., 1ère civ., 15 janvier 1991, Bull.I n°17). Prenant donc appui sur ces principes dégagés par la Cour de cassation, la société poursuivante soutenait que cette prescription biennale ne pouvait trouver à s’appliquer au paiement du prix d’un véhicule vendu par un professionnel à un particulier en raison de la nécessité, pour les besoins notamment de l’immatriculation, de lui remettre des pièces administratives, raisonnement qui a été suivi par la Cour d’appel, celle-ci jugeant que la prescription devait effectivement être écartée s’agissant d’une automobile en raison de la nécessité de la faire immatriculer et donc de produire à cet effet un certificat de vente.
La Cour de cassation censure cependant l’arrêt en rappelant la seule exception pouvant permettre au vendeur d’échapper à la rigueur du délai, à savoir un aveu sur l’existence de la dette matérialisé par un titre émanant du débiteur poursuivi portant « reconnaissance de la dette litigieuse, conférant ainsi à celle-ci le caractère d’une dette ordinaire impayée échappant à ladite prescription ».
L’aveu comme seule exception
En effet, seul l’aveu du débiteur révélant qu’il n’a pas acquitté la dette écarte la prescription. Cette exception est appliquée de manière constante par la jurisprudence (Cass. 1ère civ., 9 janvier 1967, Bull. I, n° 11 – Cass.1ère civ., 21 juin 1989, pourvoi n°87-12.507). Elle fait céder la présomption de paiement qui fonde la courte prescription, présomption qui constitue, c’est à souligner, une dérogation très notable au principe posé à l’article 1315 al.2 du Code civil selon lequel « celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
L’aveu du non paiement peut par exemple se déduire d’une demande de délais de règlement (Cass. 1ère civ., 14 janvier 1992, pourvoi n°90-10.207) ou encore d’une réclamation de l’acheteur contestant la conformité du produit (Cass. 1ère civ., 11 février 1997, pourvoi n° 95-12.687) ou même d’une contestation du débiteur quant à l’existence même de la créance (Cass. 1ère civ., 5 février 2002, pourvoi n° 99-21.510 CA Rennes, 1ère chambre, 13 février 2003, JurisData n°2003-206874 – ou encore pour des coques de véhicules dont la commande et la livraison étaient contestées, CA Bourges, 1ère Chambre, 9 février 1994, JurisData n°1994-041376).
Dans l’espèce commentée, outre la question de la prescription, il était effectivement permis de s’interroger, comme cela était souligné dans le pourvoi, sur la qualité à agir de la société déposante à l’encontre du détenteur du véhicule sur le fondement de l’existence d’un contrat de vente intervenu avec la seule société dépositaire. En effet, l’existence du dépôt-vente n’apparaissait pas avoir été révélé à l’acquéreur auquel avait été remis un document de livraison, créant ainsi l’apparence de ce que la société dépositaire était bien propriétaire du véhicule. Or en l’absence de révélation du mandat, de subrogation dans la créance de paiement du prix, l’effet relatif des contrats posé à l’article 1165 du Code civil semblait bien pouvoir également s’opposer à l’action en paiement entreprise.
Soulignons enfin que le tiers acquéreur, à tout le moins détenteur du véhicule, s’il avait pu sans doute un temps circuler sous couvert d’une immatriculation provisoire délivrée par la société dépositaire, se trouvait nécessairement et depuis longtemps en infraction aux dispositions du Code de la route en continuant à circuler avec le véhicule, faute de disposer du certificat d’immatriculation retenu par la société déposante et d’avoir ainsi pu faire procéder aux formalités de transfert de celui-ci à son nom.
Il résulte en effet de l’article R 322-5 du Code de la route, « le nouveau propriétaire d’un véhicule déjà immatriculé doit, s’il veut le maintenir en circulation, faire établir, dans un délai d’un mois à compter de la date de la cession , un certificat d’immatriculation à son nom » précisant que « le fait, pour tout propriétaire, de maintenir en circulation un véhicule sans avoir obtenu un certificat d’immatriculation dans les conditions fixées au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe ».
Pour le reste et bien qu’il ne soit pas douteux que la vente d’un véhicule n’échappe pas au principe du consensualisme qui gouverne la vente en général, la Cour de cassation a posé le principe que le nécessaire établissement à cette occasion d’une documentation rendue nécessaire par les exigences réglementaires de l’immatriculation ne permet donc pas de faire échapper ces transactions, lorsqu’elles interviennent entre un professionnel et un particulier, à la prescription biennale.
Laurent Mercié, avocat au barreau de Paris
LA DÉCISION
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 25 février 2010
N° de pourvoi: 09-10201
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Charruault (président), président
SCP Gaschignard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l’article 2272, alinéa 4, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Attendu que, prétendant qu’un véhicule automobile lui appartenant, qu’elle avait remis en dépôt à la société Dicama aux fins de vente, était détenu depuis plusieurs années par M. X…, la société Serma a agi contre ce dernier en paiement du prix de vente ;
Attendu que la cour d’appel, devant laquelle M. X… opposait à cette action la fin de non-recevoir tirée de la prescription édictée par le texte susvisé, a écarté celle-ci au motif que s’agissant d’un véhicule automobile, il est nécessaire de le faire immatriculer et à cet effet de produire un certificat de vente, de sorte que la vente d’une telle marchandise, formalisée en l’espèce par un document de livraison du véhicule par la société Dicama à M. X… avec la mention actuellement en cours de mutation à son nom, n’est pas soumis à la prescription de l’article 2272 du code civil ;
Qu’en se déterminant par tels motifs desquels il ne résulte pas qu’un titre émanant de M. X… ait porté reconnaissance de la dette litigieuse, conférant ainsi à celle-ci le caractère d’une dette ordinaire impayée échappant à ladite prescription, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déclarant l’action recevable et condamnant M. X… à payer à la société Serma la somme de 10 061, 84 euros, l’arrêt rendu le 27 octobre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne la société Serma aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille dix.
A la suite d’une panne moteur grave d’un véhicule d’occasion de marque étrangère acquis à l’étranger, la Cour de cassation vient de se prononcer le 9 février 2010 sur le recours contre le représentant en France du constructeur en cause.
La libre circulation des biens et services au sein de l’Union européenne est à la source, en matière de véhicules, d’une double tentation : celle d’acquérir à l’étranger, en raison de l’attractivité des tarifs et de la simplification des procédures sur le plan administratif mais également celle, lorsque survient une avarie, de saisir son juge national plutôt que de s’aventurer dans une procédure hors des frontières. Un tel recours est-il possible ?
Les faits
En février 2005, un ressortissant français fait l’acquisition en Allemagne, auprès d’une société de négoce automobile, d’un véhicule d’occasion de marque Honda, affichant 80.500 kms, lequel avait été commercialisé neuf dans ce pays en juin 2000. Après l’avoir fait immatriculer en France, dès le mois d’août 2005, le véhicule tombe en panne et, après expertise, il est diagnostiqué une usure prématurée d’une soupape générée par un défaut remontant à la construction du véhicule et nécessitant des travaux de remise en état pour près de 6.000 Euros.
Tribunal et Cour d’appel
Faisant flèche de tout bois, le propriétaire intente alors une action indemnitaire fondée principalement sur la garantie contractuelle du constructeur, subsidiairement sur la garantie légale des vices cachés organisée par les articles 1641 et suivants du Code civil, sur la garantie délictuelle de l’article 1382 du Code civil ou encore sur la responsabilité du fait des produits défectueux prévue à l’article 1386 dudit code, ceci devant un tribunal d’instance français et à l’encontre du représentant en France du constructeur. L’initiative était séduisante par sa simplicité de mise en oeuvre mais occultait en réalité des questions juridiques majeures. A quel titre et sur quel fondement le représentant français d’une marque étrangère engage-t-il sa responsabilité en cas de défaillance d’un véhicule de la marque dont il est le représentant ? Le tribunal déclarera l’action recevable à l’encontre du représentant du constructeur en France, le déboutera sur le terrain de la garantie contractuelle de 3 ans expirée au jour de l’incident mais fera droit à ses demandes sur le fondement de la garantie légale. La Cour d’appel de Paris est saisie à l’initiative du représentant du constructeur et, après examen des quatre fondements juridiques invoqués, infirmera le jugement, tout en confirmant que l’action était recevable à l’égard du représentant en France du constructeur.
A l’exception du fondement manifestement inopérant tiré de la responsabilité du fait des produits défectueux qui, comme cela avait été rappelé à bon droit, suppose un dommage « à un bien autre que le produit défectueux lui-même » (article 1386-2 du Code civil) alors que l’acheteur se plaignait indiscutablement d’un défaut inhérent au véhicule, le débat s’est focalisé autour de la responsabilité contractuelle invoquée à l’encontre du représentant en France du constructeur, tant sur le fondement de la garantie contractuelle que sur celui la garantie légale. Alors que la Cour d’appel s’était clairement prononcée sur la recevabilité de l’action sans d’ailleurs en préciser explicitement le fondement, il était permis de s’interroger sur le point de savoir s’il s’agissait du terrain contractuel ou délictuel. Sans exclure formellement celui du contrat, la Cour de cassation se prononce pour confirmer que l’action était au moins recevable sur le fondement délictuel bien que, comme jugé par la Cour d’appel, les conditions d’une telle responsabilité n’étaient pas établies, en l’absence de démonstration d’une faute du représentant du constructeur en France.
Droit applicable
Comme cela avait été justement rappelé par la Cour d’appel, la question était réglée par l’article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, aujourd’hui par le règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) JO L 177 du 4.7.2008, applicable aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, qui prévoit dans son article 6 qu’un « contrat conclu par une personne physique (ci-après “le consommateur”), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après “le professionnel”), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel:
a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou
b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,
et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1.
3. Si les conditions établies au paragraphe 1, point a) ou b), ne sont pas remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminée conformément aux articles 3 et 4 » (c’est-à-dire librement entre les parties ou, en l’absence de choix, selon des dispositions spécifiques à différents contrats énumérés par l’article 4 du règlement, étant précisé qu’en matière de vente de biens, donc d’automobile, le contrat est alors régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle).
Compétence juridictionnelle
En application des dispositions des articles 15 et 16 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, le consommateur dispose de la faculté de saisir le tribunal du lieu de son domicile lorsque le vendeur « exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre des activités ». Or il est aujourd’hui très fréquent de trouver, notamment sur des supports de petites annonces français, des offres qui émanent de vendeurs étrangers, souvent professionnels. En outre, en matière de vente de marchandises, en application de l’article 5 du règlement, un ressortissant français peut attraire un vendeur étranger devant le juge français dans le ressort duquel le contrat de vente stipule que le véhicule a été ou aurait dû être livré.
Garantie contractuelle du constructeur
Son application territoriale est aujourd’hui européenne, comme l’exige le règlement (CE) no 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.
Car en effet, comme le rappelle l’exposé des motifs du règlement (point 17), les accords verticaux qui n’obligent pas les réparateurs agréés dans le cadre d’un système de distribution d’un fournisseur à honorer les garanties, à offrir un service gratuit et à procéder au rappel de tout véhicule de la marque considérée vendu dans le marché commun constituent une restriction indirecte des ventes et ne doivent pas bénéficier de l’exemption.
Ainsi, tant qu’un véhicule bénéficie de la garantie contractuelle du constructeur, un ressortissant français peut en demander l’application au représentant en France du constructeur, y compris par la voie judiciaire et quand bien même le véhicule aurait été acquis dans un autre pays de l’Union européenne. C’est d’ailleurs ce qui rend commercialement possible l’activité des mandataires automobiles, dont on rappellera que l’activité est réglementée par un arrêté du 28 octobre 1996 (BOCC 5 décembre).
Garanties légales (conformité et vice cachés)
Cette question est beaucoup plus délicate. Le principe qui était rappelé par la Cour d’appel, selon lequel une réclamation de l’acheteur fondée sur les garanties légales (conformité et vices cachés) « ne peut être exercée qu’à l’encontre du vendeur » est difficilement discutable. Les obligations de garantie correspondantes découlent en effet bien de la qualité de vendeur, pour la première en application de l’article L.211-4 du Code de la consommation et de l’article 1604 du Code civil, pour la seconde, des articles 1603 et 1641 dudit code. Cela ne saurait au demeurant occulter un second principe, posé de longue date et de manière constante par la cour de cassation selon lequel les actions correspondantes sont transmises au sous-acquéreur. Il est en effet de principe que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur. Mais il s’agit alors de l’action de l’auteur, dont le champ est ainsi susceptible d’être limité en particulier par la qualité des parties (soit, initialement entre l’importateur/distributeur en France et le premier concessionnaire, entre deux professionnels, impliquant par exemple l’application de la présomption de connaissance du vice par l’acheteur, laquelle cède cependant en matière de vices indécelables. Le fabricant ou le vendeur intermédiaire est ainsi en droit d’opposer au sous-acquéreur, exerçant une action contractuelle, tous les moyens de défense qu’il pourrait opposer à son propre cocontractant. Il en résulte donc qu’une action en garantie légale des vices cachés peut être envisagée, y compris lorsque le véhicule litigieux a été acheté à l’étranger à l’encontre d’un importateur en France de véhicules d’une marque étrangère si cet importateur en a été le premier vendeur. Mais réciproquement, si le véhicule a été simplement importé et que le représentant français du constructeur étranger ne l’a jamais vendu, sa responsabilité de vendeur ne saurait être recherchée. Au demeurant, une difficulté se pose souvent en la matière sur le terrain de la preuve de l’existence ou non de ce contrat initial de vente en France, accentué par le fait qu’en l’absence de carnet de garantie attestant du lieu de la première mise en service, le dossier de première mise en circulation n’est pas toujours disponible auprès des services préfectoraux, les archives correspondantes n’étant conservées que pendant une durée de cinq ans. Il est enfin à noter que la décision commentée fait écho à une décision prononcée par la Cour d’appel de Versailles (1ère Chambre, 2ème section 22 avril 2003, Jurisp. auto n°751, avril 2004, p.229) ayant déjà jugé qu’à défaut de mention sur l’extrait K-Bis, il n’était pas établi que la filiale française d’un constructeur américain était nécessairement son représentant en France mais également « qu’il n’est en conséquence pas établi que la société Daimler Chrysler France est le vendeur antérieur, intermédiaire ou originaire, du véhicule litigieux ; qu’elle n’est en conséquence pas débitrice de la garantie prévue par l’article 1641 du Code civil. »
En l’état de la jurisprudence, sauf à rechercher une responsabilité délictuelle qui demeure assez hypothétique tant l’on perçoit mal comment pourrait constituer une faute le fait de ne pas souhaiter assumer les défaillances d’un produit que l’on n’a pas vendu et hormis l’hypothèse marginale d’un véhicule initialement mis en service en France puis exporter et réimporter, les représentants en France des constructeurs étrangers n’ont pas à supporter la responsabilité de ces derniers ou celle de leurs homologues pour d’autres territoires de l’Union européenne. Du point de vue du consommateur, la libre circulation des véhicules a donc des avantages mais également, des inconvénients.
Laurent Mercié, avocat au barreau de Paris, co-fondateur de l’Association des Avocats de l’Automobile.
LA DÉCISION
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 février 2010
N° de pourvoi: 08-20573
Non publié au bulletin Rejet
Mme Favre (président), président
SCP Defrenois et Levis, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2008), qu’un véhicule automobile de marque Honda a été mis en circulation en Allemagne avec garantie du constructeur d’une durée de trois ans, puis vendu à Dresde (Allemagne) par la société Md-Automobile (le vendeur) à M. X… ; qu’à la suite d’une panne, M. X…, estimant que l’avarie résultait d’un défaut de construction du véhicule, a fait assigner la société Honda Motors Europe South (la société HME-S), en sa qualité de représentant du constructeur Honda en France ;
Attendu que la société HME-S fait grief à l’arrêt d’avoir infirmé le jugement, sauf en ce qu’il a déclaré M. X… recevable en son action contre elle, en tant que représentant du constructeur Honda, alors, selon le moyen :
1°/ que, d’une part, il résulte des constatations de l’arrêt que M. X… ne bénéficie d’aucune action en garantie contractuelle de droit commun à l’encontre de la société HME-S, de sorte qu’en infirmant le jugement sauf en ce que ce dernier avait déclaré M. X… recevable en son action contre la société HME-S en tant que représentant du constructeur, la cour d’appel a violé l’article 4 § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
2°/ que, d’autre part, il résulte des constatations de l’arrêt que l’action en garantie conventionnelle du constructeur est prescrite, de sorte qu’en infirmant le jugement sauf en ce que ce dernier avait déclaré M. X… recevable en son action à l’encontre de la société HME-S en tant que représentant du constructeur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article 4 § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Mais attendu que, par motifs propres non critiqués par le moyen, la cour d’appel a retenu que la responsabilité délictuelle de la société HME-S n’était pas établie, ce dont il résulte qu’elle a admis la recevabilité de la demande ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Honda Motors South Europe aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Honda Motor Europe South.
Il est fait grief à l’arrêt d’avoir infirmé le jugement du tribunal d’instance de Lagny sur Marne du 3 août 2006, sauf en ce qu’il a déclaré M. X… recevable en son action contre la société Honda Motor Europe South, en tant que représentant du constructeur Honda ;
AUX MOTIFS QUE :
« la société HME-S, qui admet dans ses écritures être le représentant du constructeur Honda en France, mais seulement pour défendre à une action visant la garantie du constructeur, en l’espèce expirée puisqu’elle est de trois ans, soutient que la loi allemande est applicable au présent litige ;
(…) M. X… ne répond pas sur la loi applicable, se bornant à solliciter la confirmation du jugement, au visa, dans le dispositif de ses écritures de l’article 1384 du code civil ;
(…) par application de l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le présent litige est régi par la loi allemande ;
(…) en effet, le véhicule en question a été acheté le 1er février 2005, par M. X…, à Dresde, en Allemagne à la société MD-Automobile ; (…) la facture versée aux débats ne vise aucune loi applicable au contrat ; (…) celui-ci est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, à savoir l’Allemagne, pays où la vente a été conclue et le transfert de propriété réalisé ;
(…) il résulte du certificat de coutume rédigé par le cabinet d’avocats Landault et Mussat, versé aux débats par l’appelante, que M. X… ne dispose en l’espèce d’aucune action contre la société HME-S, représentant du constructeur Honda en France, étant rappelé qu’il n’a pas mis en cause son vendeur, la société MD-Automobile ;
(…) la garantie du constructeur, d’une durée de trois ans, est expirée, le véhicule ayant mis en circulation en l’an 2000 ; (…) la société HME-S n’a émis aucune autre garantie ;
(…) une réclamation de l’acheteur fondée sur les garanties légales du droit commun de la vente, analogue à l’action régie en droit français par les articles 1641 et suivants du code civil, ne peut être exercée qu’à l’encontre du vendeur, la société MD-Automobile ;
(…) la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de la société HME-S suppose la démonstration de la faute commise par elle, qui n’est pas faite en l’espèce ;
(…) une réclamation fondée sur la responsabilité du fait des produits présentant un défaut de conformité suppose un dommage à un bien tiers, ce qui n’est pas le cas en l’espèce » ;
ALORS QUE d’une part, il résulte des constatations de l’arrêt que M. X… ne bénéficie d’aucune action en garantie contractuelle de droit commun à l’encontre de la société Honda Motor Europe South, de sorte qu’en infirmant le jugement sauf en ce que ce dernier avait déclaré M. X… recevable en son action contre la société Honda Motor Europe South en tant que représentant du constructeur, la cour d’appel a violé l’article 4§2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
ALORS QUE, d’autre part, il résulte des constatations de l’arrêt que l’action en garantie conventionnelle du constructeur est prescrite, de sorte qu’en infirmant le jugement sauf en ce que ce dernier avait déclaré M. X… recevable en son action à l’encontre de la société Honda Motor Europe South en tant que représentant du constructeur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article 4§2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 11 septembre 2008