Quel garagiste n’a pas été confronté à cette difficulté : un client lui confie une auto pour des réparations et ne revient jamais la chercher. Comment obtenir le paiement de la facture et se débarrasser de l’auto devenue très encombrante ?
Il existe dans notre Droit une législation spécifique et originale permettant au réparateur automobile de faire une pierre deux coups : elle lui permet d’obtenir le paiement de ses prestations tout en résolvant le problème de place occasionné par l’abandon de l’auto dans ses ateliers.
La philosophie générale du système, qui a été organisé par une loi ancienne promulguée le 31 décembre 1903 “relative à la vente de certains objets abandonnés” (1), pourrait se résumer en ce qu’il consiste à se payer “sur la bête”.
La loi prévoit en effet les modalités par lesquelles les véhicules qui ont été confiés “à un professionnel pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés” pourront être vendus à l’initiative de ce dernier quand le client ne les aura pas récupérés après un certain délai.
Le délai requis avant d’agir
A titre de dérogation – les automobiles constituant en effet des objets particulièrement encombrants – la loi prévoit que le réparateur peut user de la procédure spécifique décrite ci-dessous lorsqu’un délai de 3 mois s’est écoulé depuis que le véhicule lui a été confié.
Il est également important de préciser à ce propos que la loi s’applique aux véhicules présents au garage non pour réparation mais uniquement au titre d’un stationnement payant. Dans ce cas, le délai de 3 mois commence à courir à compter de la dernière échéance de loyer impayée.
Les formalités à accomplir
La procédure est très simple et s’inspire de celle de l’injonction de payer, bien connue des commerçants : il convient dans un premier temps de présenter une requête au Juge d’instance de son domicile (au cas particulier, au Juge d’Instance du ressort du garage) retraçant les faits et comportant un certain nombre de mentions obligatoires :
la date de réception du véhicule,
sa désignation précise,
le prix demandé pour les réparations,
le nom du propriétaire du véhicule.
Au vu de cette requête, à laquelle il convient de joindre copie de toutes pièces justificatives (carte grise, ordre de réparation etc…), le Juge d’instance rendra une ordonnance après que le propriétaire ait été entendu ou appelé à comparaître pour faire valoir son point de vue.
Dans sa décision, le Juge commettra en principe un huissier de Justice ou un commissaire-priseur pour procéder à la vente du véhicule aux enchères publiques, tout en fixant sa date, l’heure et le lieu. A terme, le réparateur sera payé sur le produit de cette vente.
Un ultime recours pour le propriétaire négligent
Il se peut que le propriétaire ne se soit pas volontairement abstenu de se rendre à la convocation du Juge lorsque ce dernier a ordonné la vente de l’auto.
C’est pourquoi, si le propriétaire n’a pu être entendu pour faire valoir ses éventuels moyens de défense au moment où le Juge a statué, l’officier public désigné pour procéder à la vente devra l’avertir au moins huit jours avant, par lettre recommandée.
Le propriétaire pourra alors éventuellement faire opposition à la vente en faisant citer le réparateur devant le Juge d’Instance par la voie d’un acte d’huissier de Justice. Cela aura pour effet de susciter un débat contradictoire devant le Tribunal, la loi prescrivant alors au Juge de statuer sur l’affaire dans le plus bref délai.
Le produit de la vente
Après la vente aux enchères du véhicule, l’officier public qui y a procédé payera le réparateur sur le prix obtenu, après déduction des frais, et versera le solde éventuel sur un compte ouvert au nom du propriétaire à la Caisse des dépôts et consignations.
Si le propriétaire ou ses créanciers ne réclament pas les fonds consignés dans les 5 ans, ils reviendront automatiquement au Trésor public.
Il est cependant très important de préciser que si le produit de la vente est insuffisant pour couvrir les frais qu’elle a occasionnés, le réparateur devra faire l’avance de la différence, à charge d’en obtenir le remboursement auprès du propriétaire, pourvu qu’il n’ait pas disparu.
Les frais de parking
Précisons enfin que sur le plan des mesures préventives incitant les clients à ne pas tarder à récupérer leur bien, il peut être fort utile de prévoir des frais de parking dissuasifs à leur charge : ils seront facturés pour chaque jour de retard à compter soit de la date prévue au devis pour la restitution, soit d’une lettre recommandée invitant le client à reprendre possesion du véhicule.
Mais pour que le réparateur puisse efficacement s’en prévaloir, il est impératif de prévoir le montant et les conditions d’application de ces frais de parking, non seulement dans une clause des conditions générales apparaissant clairement sur le devis ou l’ordre de réparation mais également sur l’affichage obligatoire des tarifs (à l’entrée du garage et sur le lieu de réception de la clientèle) (2).
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(1) Loi du 31 décembre 1903, modifiée par la Loi n°68-1248 du 31 décembre 1968 –
(2) Arrêté n°87-06/C du 27 mars 1987.