Une idée reçue est largement répandue dans l’esprit du public selon laquelle il existerait toujours, au profit du consommateur, un droit de revenir sur le contrat conclu, un droit de se repentir à l’égard d’un achat un peu précipité que l’on regrette. Or ce droit n’existe pas en toutes circonstances, la Cour de cassation vient de le rappeler.
La protection du consentement du consommateur est étendue, qu’elle intervienne a priori au travers d’obligations d’information de plus en plus nombreuses, ou a posteriori, par l’ensemble des mécanismes juridiques permettant de faire sanctionner un consentement qui sera considéré comme ayant été insuffisamment éclairé. Le droit de rétractation ou de retour, qui fait partie de l’arsenal depuis une loi n°88-21 du 6 janvier 1988 sur le télé-achat, est aujourd’hui organisé à l’article L121-20 du Code de la consommation, dont la rédaction actuelle résulte de la transposition en droit français, par une ordonnance du 23 août 2001 modifiée, de la Directive communautaire n°97-7 du 20 mai 1997 « concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. »
Un droit discrétionnaire
Parce qu’il n’a pu se forger une opinion sur l’objet que sur la foi de représentations ou de descriptions qui peuvent se révéler plus ou moins fidèles, en matière de contrats conclus à distance, le consommateur dispose en effet d’un délai de 7 jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour. Le délai court à compter de la réception pour les biens ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services. Lorsque les informations prévues à l’article L121-19 n’ont pas été fournies (elles sont très nombreuses, notamment sur les caractéristiques essentielles du bien, sur les conditions et les modalités de l’exercice du droit de rétractation, sur le service après vente et les garanties etc.), le délai d’exercice du droit de rétractation est porté à trois mois. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient dans les trois mois à compter de la réception des biens ou de l’acceptation de l’offre, elle fait courir le délai de rétractation de 7 jours. Enfin, lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. En cas d’exercice de ce droit, le professionnel vendeur est tenu de rembourser l’acheteur dans les 30 jours, délai au delà duquel la somme est productive d’intérêts au taux légal (article L121-20-1). Le refus pur et simple de remboursement d’un produit retourné dans le délai expose quant à lui le vendeur aux peines prévues pour les contraventions de 5ème classe.
Biens et services exclus
Certains biens ou services sont expressément exclus du domaine du droit de rétractation (en application de l’article L121-20-4, les biens de consommation courante fournis au lieu d’habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes, ou encore les prestations d’hébergement, de transport, de restauration ou de loisirs fournis à une date ou une périodicité déterminée) ou le sont sauf si les parties en sont autrement convenus (an application de l’article L121-20-2, les services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant l’expiration du délai de 7 jours, les biens ou services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, les biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, les enregistrements audio ou video et logiciels lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur, ou encore les journaux, périodiques ou magazines ainsi que les paris ou loteries autorisés).
La commande d’un véhicule est donc susceptible, sur le principe, d’ouvrir un droit de rétractation au profit du consommateur.
Il doit s’agir d’un contrat entre absents
Bien qu’il ne soit qu’indirectement mais néanmoins indiscutablement fait référence aux contrats intervenant à distance dans le texte de l’article L121-20 du Code de la consommation, puisque sont fixés le sort les frais de retour et le point de départ du délai de rétractation courant à compter de la réception du bien ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de service, il se trouve inclus dans le titre II visant les « pratiques commerciales », à la section 2 portant plus spécifiquement sur les « Ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance ». En outre, le texte figure dans la Sous-section 1 portant « Dispositions relatives aux contrats ne portant pas sur des services financiers » dont le premier article, l’article L121-16, prévoit que « Les dispositions de la présente sous-section s’appliquent à toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance. »
Ce contexte laissant peu de place au doute quant au domaine du droit de rétractation, il n’a pourtant pas découragé l’acheteuse d’un véhicule qui, après s’être rendue dans les locaux d’un concessionnaire et avoir assorti sa commande du versement de la somme de 1.000 Euros à titre d’arrhes, a finalement décidé de se rétracter et de solliciter la restitution de la somme versée. S’étant vu opposer un refus, elle a saisi le Juge de proximité au visa de l’article L121-20 du Code de la consommation qui l’a, à vrai dire très logiquement, débouté de sa demande.
La Cour de cassation, validant la motivation du Juge du fond et reprenant le texte de l’article L121-16 du Code de la consommation, rappelle en effet les conditions de l’ouverture d’un droit de rétractation : il doit s’agir d’un contrat conclu en l’absence de présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance. Cela était donc parfaitement incompatible avec une visite dans les locaux d’un négociant pour passer commande. En revanche, la commande d’un véhicule via internet, notamment s’il est en stock chez le vendeur, pourrait parfaitement ouvrir une possibilité à l’acquéreur de se rétracter sur le fondement de l’article L121-20 du Code de la consommation.
Arrhes et acompte
Dans les rapports entre professionnels et consommateurs, rappelons par ailleurs que l’article L114-1 du Code de la consommation dispose que sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d’avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. S’il s’agit au contraire d’un acompte, le contrat est définitivement formé : c’est par exemple l’hypothèse de l’acquéreur qui remet au vendeur un chèque tiré sur son comptant courant dans l’attente de pouvoir lui substituer un chèque de banque. En principe dans ce cas, ni l’une ni l’autre des parties n’aura alors la faculté de se dédire, de renoncer à la vente. Si le vendeur se montre intransigeant, l’acheteur sera notamment tenu de verser le solde du prix convenu, sans qu’il puisse renoncer au contrat en abandonnant la somme versée.
Il importe de préciser que le “délai de réservation” qui sous-tend les arrhes n’étant pas déterminé par la loi, il convient pour les parties de le fixer d’un commun accord. L’article L131-1 du Code de la consommation prévoit cependant que 3 mois après leur versement, des intérêts au taux légal courent sur les arrhes et les acomptes et que ceux-ci seront déduits du solde à verser au moment de la réalisation ou seront ajoutés aux sommes versées d’avance en cas de restitution.
C’est sur ce second fondement que l’acheteuse motivait son pourvoi, arguant de ce que dans la mesure où le vendeur ayant pris acte de la décision de renoncer à l’achat, il aurait été tenu de restituer les arrhes. Elle plaidait en fait qu’il y aurait eu une résiliation amiable du contrat, sur le principe de laquelle les deux parties seraient tombés d’accord, ce qui semblait constituer une interprétation très extensive de la correspondance du vendeur ayant simplement pris acte de la décision unilatérale de sa cliente de renoncer à la commande. Il en était très logiquement découlé une application stricte mais exacte de l’article L114-1 du Code de la consommation prévoyant, dans de telles circonstances, que les arrhes demeurent acquis au vendeur. Mais en l’absence de toute trace de cette argumentation qui semblait au demeurant assez hardie dans la procédure devant le Juge de proximité, le moyen n’a pu qu’être écarté par la Cour de cassation comme étant non seulement nouveau mais également mélangé de fait et de droit, ce qui le rendait irrecevable en application de l’article 619 du Code de procédure civile.
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 25 novembre 2010
N° de pourvoi: 09-69500
Non publié au bulletin Rejet
M. Charruault (président), président
SCP Monod et Colin, avocat(s)
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que Mme X…, qui a acheté aux Établissements Jacquet automobiles un véhicule, a versé au jour de la commande une somme de 1 000 euros à titre d’arrhes ; qu’ayant ensuite décidé de se rétracter, elle a fait assigner les Établissements Jacquet automobiles en restitution de cette somme en application des dispositions de l’article L. 121-20 du code de la consommation ; que le jugement attaqué (juridiction de proximité de Limoges, 13 octobre 2008) a rejeté cette demande ;
Attendu, d’une part, que la juridiction de proximité ayant relevé que Mme X… s’était rendue au garage exploité par les Établissements Jacquet automobiles pour acquérir un véhicule, celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 121-20 du code de la consommation qui ne s’applique qu’à la vente d’un bien ou d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée de parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ; que par ce motif de pur droit retenu après avis donné à l’avocat conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il peut être répondu aux conclusions invoquées ; que, d’autre part, il ne résulte ni du jugement ni des pièces de la procédure que Mme X… ait soutenu que la vente litigieuse avait fait l’objet d’une résiliation amiable ;
D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa seconde branche, est sans fondement pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Monod et Colin, avocat de Mme X… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour Mme X…
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir débouté Mme X… de ses demandes tendant à la condamnation de la société JACQUET AUTOMOBILES à lui restituer la somme de 1.000 ??? avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2008 et à lui verser la somme de 500 ??? à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS QUE selon l’article 1590 du code civil, si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir, celui qui les a données, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double ; que sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de débouter Mme X… de sa demande de restitution des arrhes versées pour un montant de 1.000 ??? ;
ALORS, D’UNE PART, QUE Mme X… faisait valoir, dans sa déclaration de saisine de la juridiction de proximité, qu’elle bénéficiait d’un droit de rétractation en application de l’article L. 121-20 du code de la consommation, qu’elle avait régulièrement exercé, de sorte que la société JACQUET AUTOMOBILES n’était pas fondée à conserver les 1.000 ??? versés lors de la commande du véhicule ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la juridiction de proximité a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D’AUTRE PART et en tout état de cause, QUE l’acquéreur ne perd pas les arrhes lorsque le contrat de vente fait l’objet d’une résolution amiable ; qu’ainsi que Mme X… le faisait valoir, et comme le relève le jugement attaqué, la société JACQUET AUTOMOBILES a, par lettre du 28 février 2008, pris note de l’annulation de la commande de Mme X…, ce dont il résulte qu’elle a spontanément accepté la résolution du contrat ; qu’en refusant néanmoins d’ordonner la restitution des arrhes versées par Mme X…, la juridiction de proximité a violé les article 1184 et 1590 du code civil.
Décision attaquée : Juridiction de proximité de Limoges du 13 octobre 2008